Six jours plus tard
Depuis hier, l’« affaire » Guy Ouellette est passée du statut peu enviable de crise politique à celui d’un immense panier de crabes. La confiance déjà fragile des Québécois envers leurs institutions en prend pour son rhume.
Les éléments troublants se multiplient. À commencer par le trop long silence de Philippe Couillard sur l’arrestation sans motif connu de son député Guy Ouellette par l’unité permanente anticorruption (UPAC).
Il aura fallu six jours au premier ministre pour sortir de son mutisme. Invitant hier L’UPAC à « entendre les inquiétudes de la population », il qualifiait enfin cette arrestation surréaliste de situation « grave et exceptionnelle ». Or, à moins de vivre dans une république bananière, la situation était déjà grave dès la semaine dernière.
De retour à l’assemblée nationale, le président Jacques Chagnon exhortait L’UPAC à accuser Guy Ouellette ou à s’excuser. Sinon, lançait-il, il y a un risque de « dérive totalitaire ». Rien de moins.
QUE CRAINT-IL ?
Ces propos puissants et sentis, c’est M. Couillard qui aurait dû les prononcer dès la semaine dernière. En lieu et place, les questions fusent. Pourquoi L’UPAC a-t-elle arrêté un député ? Pourquoi M. Couillard a-t-il attendu aussi longtemps avant de lui demander des comptes ? Craignait-il d’incommoder le grand patron de L’UPAC, Robert Lafrenière ?
Pourquoi le gouvernement Charest ne s’est-il pas assuré de soumettre L’UPAC à un mécanisme indépendant de reddition de comptes ? Pourquoi s’est-il arrogé le pouvoir d’en nommer le patron alors qu’il savait que le Parti libéral serait l’objet premier d’une enquête ? En cela, L’UPAC et son patron sont devenus des intouchables.
Dans un discours prononcé à l’assemblée nationale, Guy Ouellette s’est dit « victime d’un coup monté » et il a appelé à la « vigilance » des Québécois face au pouvoir démesuré de L’UPAC et de son patron.
QUI CROIRE ?
Deux heures plus tard, Robert Lafrenière tenait enfin un point de presse confirmant qu’un véritable bras de fer l’oppose à Guy Ouellette. D’après ce qu’on en décode, ce dernier ferait l’objet d’une enquête pour coulage direct ou indirect de documents confidentiels de l’enquête Mâchurer sur le PLQ. De son côté, Guy Ouellette clame son innocence.
Pour les citoyens, le spectacle est désolant. Pendant que le gouvernement Couillard n’ose pas convoquer Robert Lafrenière en commission parlementaire, qui croire ? Guy Ouellette ou L’UPAC ?
Pour le député, les autres parlementaires et le Québec, c’est le pire des scénarios. Comment accepter que L’UPAC soit libre de laisser une situation aussi grave en suspens, peut-être même pendant des mois ? Et quel en sera l’impact sur la démocratie québécoise ?
Que s’est-il donc passé sous le long régime du Parti libéral pour que les fondements de notre démocratie soient aussi ébranlés ? À moins d’un an des élections, la question risque de hanter le gouvernement jusque dans l’isoloir.