Le Journal de Quebec

Payer des millions $ pour éviter une condamnati­on

Des entreprise­s paieront une amende salée plutôt que d’être poursuivie­s en justice

- PHILIPPE ORFALI

Des entreprise­s soupçonnée­s de corruption et d’autres crimes graves tentent de convaincre Ottawa de leur éviter des condamnati­ons au criminel en échange d’amendes, une pratique populaire aux États-unis et au Royaume-uni.

Accusée de fraude et de corruption en 2015 relativeme­nt à ses activités en Libye, Snc-lavalin aimerait bien effacer cette tache noire de son dossier.

Depuis deux ans, celle-ci lui a fait perdre de nombreux contrats et des centaines de millions de dollars à l’échelle internatio­nale, aux mains de compétiteu­rs qui avaient pourtant commis des actions tout aussi illégales.

Ces entreprise­s concurrent­es avaient bénéficié, aux États-unis, d’« accords de poursuite suspendue (APS) », ou différée, explique l’avocat Norm Keith, spécialist­e des crimes économique­s.

Cette mesure permet à des sociétés soupçonnée­s de corruption de payer une amende salée – parfois jusqu’à 1 milliard $ – plutôt que d’être condamnées devant les tribunaux. Avec un tel accord, SNC aurait remporté plusieurs contrats qu’elle a perdus à cause des procédures judiciaire­s en cours.

NÉGOCIATIO­NS ENTRE LES PARTIES

« La poursuite est mise de côté et les deux parties négocient les termes, explique Me Keith. La compagnie va reconnaîtr­e ses torts. On parle d’amendes énormes, qui causent du tort à l’entreprise et à ses actionnair­es. Ce ne sont pas de simples tapes sur les doigts. Elles forcent les entreprise­s à collaborer avec les autorités. »

Le président et chef de la direction de Snc-lavalin, Neil Bruce, a récemment écrit à la ministre fédérale de l’approvisio­nnement, Carla Qualtrough, qui mène actuelleme­nt des consultati­ons sur les APS. Il l’encourage à s’inspirer des pays qui permettent ce genre d’entente hors cour.

« Les cas de crimes économique­s graves commis par des entreprise­s devraient être traités avec sévérité. [...] Cependant, les poursuites qui se terminent par un plaidoyer de culpabilit­é empêchent l’entreprise de faire affaire avec des clients importants dans les secteurs public et privé, au Canada comme à l’étranger. La meilleure voie à suivre pour le Canada est d’adopter la formule de L’APS pour combattre la criminalit­é économique des entreprise­s », écrit-il dans un mémoire dont Le Journal a obtenu copie.

QUÉBEC NE DIT RIEN

Qu’en pense le gouverneme­nt du Québec ? Une porte-parole de la ministre de la Justice Stéphanie Vallée n’a pas répondu aux questions du Journal, précisant simplement que la province ferait connaître son point de vue lors des consultati­ons en cours.

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