Payer des millions $ pour éviter une condamnation
Des entreprises paieront une amende salée plutôt que d’être poursuivies en justice
Des entreprises soupçonnées de corruption et d’autres crimes graves tentent de convaincre Ottawa de leur éviter des condamnations au criminel en échange d’amendes, une pratique populaire aux États-unis et au Royaume-uni.
Accusée de fraude et de corruption en 2015 relativement à ses activités en Libye, Snc-lavalin aimerait bien effacer cette tache noire de son dossier.
Depuis deux ans, celle-ci lui a fait perdre de nombreux contrats et des centaines de millions de dollars à l’échelle internationale, aux mains de compétiteurs qui avaient pourtant commis des actions tout aussi illégales.
Ces entreprises concurrentes avaient bénéficié, aux États-unis, d’« accords de poursuite suspendue (APS) », ou différée, explique l’avocat Norm Keith, spécialiste des crimes économiques.
Cette mesure permet à des sociétés soupçonnées de corruption de payer une amende salée – parfois jusqu’à 1 milliard $ – plutôt que d’être condamnées devant les tribunaux. Avec un tel accord, SNC aurait remporté plusieurs contrats qu’elle a perdus à cause des procédures judiciaires en cours.
NÉGOCIATIONS ENTRE LES PARTIES
« La poursuite est mise de côté et les deux parties négocient les termes, explique Me Keith. La compagnie va reconnaître ses torts. On parle d’amendes énormes, qui causent du tort à l’entreprise et à ses actionnaires. Ce ne sont pas de simples tapes sur les doigts. Elles forcent les entreprises à collaborer avec les autorités. »
Le président et chef de la direction de Snc-lavalin, Neil Bruce, a récemment écrit à la ministre fédérale de l’approvisionnement, Carla Qualtrough, qui mène actuellement des consultations sur les APS. Il l’encourage à s’inspirer des pays qui permettent ce genre d’entente hors cour.
« Les cas de crimes économiques graves commis par des entreprises devraient être traités avec sévérité. [...] Cependant, les poursuites qui se terminent par un plaidoyer de culpabilité empêchent l’entreprise de faire affaire avec des clients importants dans les secteurs public et privé, au Canada comme à l’étranger. La meilleure voie à suivre pour le Canada est d’adopter la formule de L’APS pour combattre la criminalité économique des entreprises », écrit-il dans un mémoire dont Le Journal a obtenu copie.
QUÉBEC NE DIT RIEN
Qu’en pense le gouvernement du Québec ? Une porte-parole de la ministre de la Justice Stéphanie Vallée n’a pas répondu aux questions du Journal, précisant simplement que la province ferait connaître son point de vue lors des consultations en cours.