Bomber le torse et faire le coq
Arrogant : qui manifeste, à l’égard des autres, un orgueil méprisant. Synonymes : hautain, condescendant, dédaigneux.
Si vous habitez à Montréal ou à Québec, vous reconnaissez probablement votre maire dans cette définition.
Dans Pensées d’un esprit droit, le philosophe Jean-jacques Rousseau consacrait quelques belles lignes à ce trait de caractère.
« Avez-vous jamais fait attention à la façon dont les orgueilleux se conduisent vis-à-vis d’autrui ? Avez-vous remarqué avec quel dédain ils vous écoutent, avec quelle arrogance ils ne vous répondent que par un sourire moqueur, ou par quelque propos insultant?
« On rougit, pour eux, de leur impudente grossièreté : eux seuls n’en rougissent pas, et s’ils n’excitent pas beaucoup d’indignation, ce qui arrive le plus ordinairement, ils font au moins pitié. »
Comment se manifeste l’arrogance en politique? De diverses façons. L’élu (comme le lièvre dans la fable de La Fontaine) tient la victoire pour acquise. Il refuse de répondre aux questions légitimes des journalistes. Il n’a aucune considération pour ses adversaires.
Il est incapable d’accepter la moindre critique. Il éprouve des difficultés à admettre ses erreurs. Et, surtout, il croit qu’il n’a pas besoin de présenter un programme pour se faire élire. Sa personne suffit.
Sa personne EST un programme. Équipe Labeaume. Équipe Denis Coderre. « L’état, c’est moi », comme disait Louis XIV.
LE PARASOL
Dans une course à trois, comme c’est le cas à Québec, l’arrogance n’est pas mortelle.
Les gens qui ne peuvent plus vous sentir divisent leurs votes, et vous vous faufilez entre vos deux concurrents.
Mais dans une course à deux comme c’est le cas à Montréal, l’arrogance peut vous perdre. C’est ce qui risque d’arriver à Denis Coderre demain. Objectivement, monsieur Coderre n’a pas à rougir de son bilan. Il a livré la marchandise, et Montréal, si elle est paralysée par les chantiers et les cônes orange, a repris du poil de la bête. On est loin de l’époque sombre de Gérald Tremblay et de Michael Applebaum.
Mais quand on mise tout sur sa personnalité, celle-ci peut occuper tellement d’espace qu’elle finit par porter ombrage aux faits. Comme un parasol géant déployé à son maximum.
Ce n’est pas que les gens vont voter pour Valérie Plante. Mais ils risquent de voter contre Denis Coderre.
Comme le disait Bernard Drainville au 98,5 FM hier : les électeurs montréalais ont le choix entre leur pétillante voisine ou Monsieur Baboune. Qu’est-ce qui paraît plus séduisant ? Surtout qu’on est au mois de novembre et qu’on a désespérément besoin de soleil.
LEÇON D’HUMILITÉ
Un autre politicien qui risque de boire la tasse à cause de son arrogance : Philippe Couillard. À force d’entendre dire que son parti était indélogeable, le premier ministre a fini par le croire. Il a donc multiplié les invectives : « Racistes ! », « Xénophobes ! », « Intolérants ! »
Fatiguée de se faire traiter de tous les noms dès qu’elle osait critiquer sa façon de concevoir la nation, la population a commencé à lui tourner le dos. « À quelques-uns, l’arrogance tient lieu de grandeur », écrivait Jean de La Bruyère.
Les électeurs adorent donner des leçons d’humilité aux coqs qui bombent trop le torse…