Le Journal de Quebec

Leadership fiscal

- CLAUDE VILLENEUVE claude.villeneuve @quebecorme­dia.com @vclaude

Il serait très dommage que le projet de loi 997 sur le commerce électroniq­ue de Québec solidaire ne suscite pas des discussion­s sérieuses au cours des prochaines semaines.

Scène insolite mercredi dans une Assemblée nationale agitée par les déflagrati­ons de l’affaire Ouellette. L’entreprene­ur Peter Simons se trouvait avec Amir Khadir pour réclamer l’équité fiscale entre les entreprise­s numériques et nos bannières locales.

Ils étaient accompagné­s de Marwah Rizqy, fiscaliste de l’université de Sherbrooke et référence québécoise, voire canadienne, sur la question de la fiscalité des GAFAME, ces géants de l’économie en ligne que sont Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft et autres ebay.

PAS UNE FATALITÉ

Quand on parle de taxer le commerce électroniq­ue, on nous dit qu’il serait impossible d’atteindre ces figures éthérées de l’économie dématérial­isée qui agissent par-delà les frontières.

Or, il n’y a pas de fatalité. Selon L’OCDE, plus de 100 pays imposent des taxes de vente aux entreprise­s numériques, dont l’union européenne et des petits États comme le Bangladesh.

Les compagnies se conforment, lorsqu’on le leur demande. Si le Canada ne le fait pas, c’est plus par manque de volonté que de moyens.

EMBRASSER LA MODERNITÉ

Vouloir traiter les gros joueurs du commerce en ligne de la même manière que les petites boutiques de nos rues principale­s, c’est souvent perçu par leurs plus grands fans comme un refus de modernité, un souhait de se fermer à l’innovation.

C’est précisémen­t le contraire. Ce qui serait archaïque comme comporteme­nt, ce serait de garder les mêmes vieilles lois devant une économie qui, elle, se transforme. Embrasser la modernité, c’est justement s’adapter pour être gagnants nous aussi lors des changement­s.

Marwah Rizqy me racontait d’ailleurs que les auteurs qui, au début du 20e siècle, réfléchiss­aient à la nécessité de développer la capacité fiscale des États se demandaien­t comment il était possible de taxer efficaceme­nt. Comment avoir la bonne informatio­n sur les revenus des entreprise­s et les amener à se conformer ? On y est pourtant parvenu.

ACTION CONCERTÉE

Évidemment, il faut du leadership. Les États doivent se concerter pour adopter les meilleures pratiques et unifier leur action. Il en va de leur capacité à continuer d’offrir des services à leur population.

Pour l’instant, le Canada se refuse à cet exercice. Le projet de loi 997 invite le Québec à devenir un précurseur en la matière.

La fiscalité, c’est une chose complexe, et les citoyens n’iront pas dans la rue pour exiger que Netflix perçoive des taxes auprès d’eux. Dans l’immédiat, les gens voient ce qui ne sortira pas de leur poche. Ils ne pensent pas à ce qui n’y entrera plus ni à ce qui devra en sortir pour aller ailleurs.

Notre consommati­on se numérise et se dématérial­ise. Ça, on ne changera pas ça. Cependant, en restant les bras croisés, on fait le choix de défiscalis­er de larges pans de notre économie, et ce, à notre seul détriment.

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 ??  ?? La fiscaliste Marwah Rizqy (ci-dessus) a contribué à la rédaction du projet de loi proposé par Amir Khadir et Peter Simons.
La fiscaliste Marwah Rizqy (ci-dessus) a contribué à la rédaction du projet de loi proposé par Amir Khadir et Peter Simons.

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