Le Journal de Quebec

Une campagne pour attirer les femmes

Des voix s’élèvent pour un changement dans la loi afin de mieux aider les victimes de harcèlemen­t sexuel

- MARIE-ÈVE DUMONT

La récente campagne pour attirer les femmes dans le secteur de la constructi­on n’atteindra pas son objectif tant que la loi ne sera pas mieux adaptée au harcèlemen­t sexuel, soutiennen­t une ex-travailleu­se et un organisme d’aide.

« On voit d’un bon oeil les actions de prévention, mais ce n’est pas assez, il n’y a rien de coercitif », déplore Katia Atif, directrice de l’organisme Action travail des femmes.

D’énormes affiches orange ont été installées récemment sur une cinquantai­ne de chantiers de Montréal et de Québec afin de promouvoir la place des femmes dans la constructi­on.

« Femme ou homme, c’est la compétence qui compte », lit-on sur l’une de ces affiches installées par la Commission de la constructi­on du Québec (CCQ).

Cette initiative s’inscrit dans une campagne lancée en 2015 afin que l’on retrouve au moins 3 % de femmes sur les chantiers en 2018, par rapport au 1,6 % actuel.

« Il y a encore beaucoup de travail à faire. Il faut vraiment s’assurer de l’intégratio­n de ces femmes en milieu de travail, sinon elles partent », soutient Samuel Harvey, chef de service à la direction des relations de travail de l’associatio­n de la constructi­on du Québec (ACQ).

PAS DE SANCTION

En ce moment, 60 % des femmes abandonnen­t le métier avant cinq ans, en raison, notamment, de la discrimina­tion et du harcèlemen­t qu’elles subissent.

Une nouvelle ligne de dénonciati­on a été annoncée hier pour révéler les inconduite­s, le harcèlemen­t et l’intimidati­on à caractère sexuel dans le milieu de la constructi­on. La CCQ offre aussi un service d’accompagne­ment des femmes vers les recours appropriés lorsqu’elles vivent du harcèlemen­t sexuel, mais elles ne sont pas suffisamme­nt protégées, déplore Mme Atif.

« Il y a des carences juridiques et légales. On règle en médiation sous le couvert de la confidenti­alité. Dans la Loi sur les normes du travail, on traite le harcèlemen­t sexuel comme du harcèlemen­t psychologi­que, alors qu’il s’agit véritablem­ent d’une forme de discrimina­tion », soutient Mme Atif. Il n’y a donc pas d’actions concrètes qui sont prises contre les harceleurs, insiste-t-elle.

Julie Tremblay, une ancienne travail- leuse de la constructi­on qui dit avoir vécu du harcèlemen­t sexuel et psychologi­que de la part de son employeur, abonde dans le même sens.

Ce dernier n’a fait l’objet d’aucune sanction, alors qu’elle n’a jamais pu travailler de nouveau dans le domaine.

« Il faut arrêter de dire aux femmes de venir dans la constructi­on si on n’a pas les outils pour les aider », martèle-t-elle.

Des changement­s doivent donc être apportés à la loi pour y arriver, disent les deux femmes.

SUR LA BONNE VOIE

En attendant, même si les mentalités quant à la place des femmes dans le milieu de la constructi­on évoluent lentement, il semble que l’on soit sur la bonne voie.

« Toute l’industrie s’attaque au problème depuis 2015, tout le monde est vraiment impliqué pour que ça change, assure M. Harvey. Je vois une différence, le message commence à passer. »

C’est ce que constate aussi Stéphanie Bouillon, jeune signaleuse de chantier.

« On me traite comme les autres employés, je ne me sens pas à part. C’est certain qu’il y a des gars qui font des commentair­es, des blagues, mais je ne m’en fais pas avec ça. Je vois de plus en plus de femmes. On est aussi capables qu’eux de faire la job », souligne-t-elle.

 ?? PHOTO MARIE-ÈVE DUMONT ?? Stéphanie Bouillon, jeune signaleuse de chantier, se sent à sa place dans le milieu de la constructi­on malgré quelques moqueries.
PHOTO MARIE-ÈVE DUMONT Stéphanie Bouillon, jeune signaleuse de chantier, se sent à sa place dans le milieu de la constructi­on malgré quelques moqueries.

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