Risquer sa vie en rentrant chez soi
Préparez-vous, nous allons recevoir dans les prochains jours, certainement les prochaines semaines, une nouvelle vague de migrants haïtiens. Pas que la situation ait empiré en Haïti, déjà le pays le plus pauvre de tout l’hémisphère. C’est plutôt devenu plus clair aux États-unis : on a décidé d’appliquer les lois… mot à mot.
Une autre façon de voir ce que font Donald Trump et son administration, c’est qu’ils imposent un changement de routine. De la flopée quotidienne de tweets souvent peu présidentiels aux efforts pour déboulonner les réalisations de la présidence Obama, ils gèrent les choses différemment.
Un autre exemple nous concerne directement. Le Congrès avait adopté en 1990 sa propre TPS qui n’était pas une taxe, en fait, mais l’acronyme de Temporary Protected Status, le Statut protégé temporaire. Les élus protégeaient ainsi les immigrants souvent illégaux dont les pays venaient d’être ravagés par des désastres naturels et qui étaient, en conséquence, affligés par une flambée d’insécurité et un approfondissement de la pauvreté.
57 000 Honduriens, par exemple, et 2550 Nicaraguayens en avaient profité après le déferlement de l’ouragan Mitch sur l’amérique centrale en 1998. Même chose pour 195 000 Salvadoriens, partis après une série de tremblements de terre en 2001 : pas de déportation tant que les conditions n’allaient pas s’améliorer. Pour les Haïtiens, ce sont environ 50 000 d’entre eux qui ont pu prolonger leur séjour aux États-unis après l’épouvantable tremblement de terre de 2010.
ON NE VOIT PAS LE TEMPS PASSER
Au fil des ans, ils ont ainsi pu rester aux États-unis, se trouver du travail, avoir des enfants, fonder des familles, bref se refaire une vie. D’année en année, leur permis de séjour a été renouvelé : la petite routine, petouf, petouf. Avec Trump, c’en est fini !
Dans les prochains jours pour les Centroaméricains, avant la fin du mois pour les Haïtiens, l’administration devrait leur confirmer qu’on en revient au sens tout bête de « temporaire » dans Statut protégé temporaire : votre temps est fait !
Ce ne devrait pas être une surprise sachant avec quelle détermination le président est revenu à la charge avec ses décrets pour limiter l’immigration, ses promesses constamment réitérées de construire un mur à la frontière mexicaine et sa satisfaction évidente à chaque fois qu’il annonce le dernier bilan des clandestins stoppés et des illégaux déportés.
DE MAL EN PIS
Difficile toutefois d’affirmer qu’ils seront tous renvoyés dans des pays où la vie, de manière générale, a pris du mieux. Haïti, nul besoin d’y revenir : comme si la pauvreté et la corruption ne suffisaient pas, le pays peine à endiguer l’épidémie de choléra déclenchée par les Casques bleus de L’ONU, déployés après le grand séisme de 2010.
En Amérique latine, c’est la violence qu’on ne parvient pas à contenir. La semaine dernière, on apprenait que le Brésil avait enregistré en 2016 le plus grand nombre de meurtres de son histoire : 61 619. C’est 168 meurtres par jour, sept à chaque heure. Comme le soulignait sarcastiquement le Forum brésilien sur la sécurité publique qui a récolté ces statistiques, le pays perd chaque année l’équivalent des victimes qu’a faites la bombe atomique sur Nagasaki.
Le plus tragique, c’est que le Brésil n’est pas le pire des cas. Cinq des dix pays au taux d’homicides le plus élevé au monde se trouvent en Amérique centrale (ou tout comme, avec le Venezuela). Et rien, absolument rien ne montre une prochaine amélioration. Si aux États-unis, le TPS les protégeait temporairement, chez eux, le danger et la détresse restent permanents.