Le Journal de Quebec

STEVE BÉGIN UN RETOUR AUX ÉTUDES À 39 ANS

- Pierre Durocher l Pdurocherj­dm

À force de bûcher, Steve Bégin s’est bâti une belle carrière dans la LNH. À la retraite, il savoure sa vie de famille tandis que ses affaires vont bon train, lui qui est vice-président de Nobesco, un entreprene­ur général spécialisé dans des travaux de génie civil.

« Nous sommes impliqués dans plusieurs projets de réfection de ponts et de viaducs, souligne Bégin lors d’une entrevue réalisée à son domicile, à Candiac. Les contrats ne manquent pas. Je suis surtout un investisse­ur dans la compagnie. Vous ne me verrez pas sur un chantier avec un casque de constructi­on ! »

Un pont, il en franchira un d’un autre genre bientôt lorsqu’il obtiendra son diplôme d’études secondaire­s.

UN CHOIX RISQUÉ

Bégin a jugé qu’il n’était pas trop tard, à l’âge de 39 ans, pour réparer une erreur de jeunesse, lorsqu’il avait pris la décision d’abandonner ses études à 17 ans pour se concentrer sur sa carrière de hockeyeur avec les Foreurs de Val-d’or.

« Je me vois mal parler à mes filles de l’importance de poursuivre leurs études si je n’ai même pas terminé les miennes au niveau secondaire, donne-t-il comme raison. Lorsque Georges St-pierre m’a lancé comme défi de m’inscrire au programme Challengeu, j’ai accepté de le relever parce que c’est un excellent concept, via une applicatio­n sur le web.

Le bon côté est qu’on peut rester à la maison pour étudier et effectuer les tests nécessaire­s. On n’a pas besoin de se rendre dans une salle de cours. Ça me convient bien en raison de mon boulot et de mes responsabi­lités familiales. »

Il ne manquait que deux cours à Bégin pour obtenir son diplôme de secondaire V, soit un cours de français et un autre d’anglais. Il recommande fortement aux jeunes d’obtenir leur diplôme d’études secondaire­s avant de se lancer sur le marché du travail.

« J’ai fait un choix audacieux en abandonnan­t mes études pour me concentrer sur le hockey à mon année de repêchage. Je ne conseille cela à personne, confesse-t-il. Ce fut un pari fort risqué. J’en suis sorti gagnant en atteignant la LNH. Je fais toutefois partie des exceptions. Tous les jeunes hockeyeurs doivent se faire un devoir de terminer leurs études secondaire­s, et la LHJMQ leur offre maintenant un excellent encadremen­t. »

Avais-tu tenté de poursuivre tes études après avoir été repêché par les Flames de Calgary en 1996 ?

« Oui. J’ai suivi des cours dans une classe pour adultes pendant un mois avant qu’on me mette à la porte parce que je n’avais pas la tête aux études, ne pensant qu’à jouer au hockey. J’étais convaincu de réussir une belle carrière dans la LNH, même si on sait que moins d’un pour cent des jeunes hockeyeurs au Québec parviennen­t à réaliser leur rêve de jouer chez les profession­nels. J’ai cherché à finir mes études à mes premières années dans l’organisati­on des Flames. Je m’étais informé, mais c’était trop compliqué sur le plan logistique. Une fois que j’ai mérité ma place pour de bon au sein de la formation des Flames en 2001-2002, je me suis dit que ce n’était plus nécessaire de finir mes études. Je me reprends aujourd’hui en me disant qu’il n’est jamais trop tard pour agir. Je le fais pour donner l’exemple à mes enfants et aussi pour ma propre satisfacti­on. »

Es-tu impliqué d’une certaine façon dans le monde du hockey ?

« Non et ça me manque beaucoup. Je participe à une vingtaine d’émissions à RDS pour livrer mes commentair­es sur le rendement du Canadien, mais j’aimerais un jour pouvoir m’impliquer au sein d’une équipe. J’ai vécu l’expérience avec les Foreurs, en 2014, lorsqu’on m’avait demandé de donner un coup de main à la formation durant les séries. J’aimais bien motiver les joueurs. Je me suis retrouvé derrière le banc durant la troisième ronde des séries. Les Foreurs ont gagné la Coupe du président pour mériter le droit de représente­r la LHJMQ au tournoi de la Coupe Memorial, et ce fut une expérience passionnan­te. »

Je croyais t’avoir déjà entendu dire que le métier d’entraîneur n’était pas fait pour un gars intense comme toi ?

« Il est vrai que c’est un travail ingrat. Je ne dirais cependant pas non à un rôle d’adjoint. Ça me conviendra­it mieux. J’étais un “grinder”, un gros travaillan­t, et on dit souvent que ce type de joueur est susceptibl­e de devenir un bon coach. J’ai déjà reçu une offre pour agir comme entraîneur-chef à Val–d’or. C’était en 2012, mais je n’étais pas prêt à accrocher mes patins. J’espère que l’occasion se représente­ra un jour. »

Après avoir été opéré à la hanche, tu as effectué un retour au jeu en 2012-2013 avec les Flames. Est-il vrai que ce fut l’une des plus grandes satisfacti­ons de ta carrière ?

« Oui, car je tenais à aller jusqu’au bout. Personne ne croyait en mes chances de réussir ce retour au jeu. Je remerciera­i toujours Bob Hartley d’avoir cru en moi. Il ne m’avait pas fait de cadeau. J’ai dû mériter un poste au camp. D’avoir réussi ce retour au jeu cette saison-là était l’équivalent d’une conquête de la coupe Stanley pour moi. »

Tu étais reconnu comme un athlète avec un seuil de tolérance à la douleur très élevé. Regrettes-tu parfois d’avoir caché des blessures ?

« Oui et non. J’ai eu des maux de dos lorsque je jouais à Montréal et j’ai appris plus tard que la source du problème provenait d’une déchirure d’un muscle au niveau de la hanche. Avec les Predators, en 2010-2011, la douleur était devenue insupporta­ble, comme si la lame d’un couteau me traversait la hanche. Je ne pouvais plus utiliser ma vitesse. J’ai commencé à ralentir lors de la saison 2009-2010 passée avec les Bruins. J’ai subi des examens cette année-là et on me disait que tout était correct. J’aurais dû exiger de passer des tests d’imagerie par résonnance magnétique plus tôt dans ma carrière, au lieu de devoir composer avec des blessures. »

À 39 ans, dirais-tu que tu es mal en point physiqueme­nt ?

« C’est certain que le style de jeu que je pratiquais a laissé des traces. J’ai peut-être mis trop d’emphase sur la robustesse, même si c’était ma marque de commerce. Ça ne me dérangeait pas que ça me fasse mal de frapper un adversaire ou de bloquer des tirs. Mon père m’a influencé en me disant qu’il n’y avait pas suffisamme­nt de joueurs comme Dale Hunter. Pour utiliser une expression populaire, je suis “magané”. J’ai disputé la majeure partie de ma carrière avec des problèmes à une épaule. J’ai attendu huit ans avant de me faire opérer. J’ai encore mal à la hanche aujourd’hui et j’ai subi un bon nombre de commotions cérébrales, sans oublier cette soirée où j’ai perdu plusieurs dents en fonçant tête première contre la rampe au Centre Bell. Mais je recommence­rais demain matin si je le pouvais parce que j’ai réalisé mon rêve de jouer dans la LNH. J’ai tout donné ce que j’avais dans le corps. »

Quels sont tes plus beaux souvenirs ?

« J’ai adoré les cinq saisons passées à Montréal. Les amateurs appréciaie­nt mon style de jeu et je capotais lorsque j’entendais les partisans scander mon nom. »

Tu as grandi dans un milieu défavorisé à Trois-rivières. Qu’en retiens-tu aujourd’hui ?

« Mon père, Gilles, était alcoolique à l’époque, lui qui ne boit plus depuis 15 ans, et il devait recourir à l’aide sociale. La vie n’était pas facile. Mon souper était parfois composé d’un sac de croustille­s, d’une tablette de chocolat et d’une boisson gazeuse. J’ai toujours pensé que je ne serais pas devenu ce genre de joueur dans la LNH si j’avais été élevé dans la ouate. Ça m’a forcé à développer de la maturité et du caractère à un jeune âge. Cela a fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. »

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PHOTOS PIERRE DUROCHER ET D’ARCHIVES. 1. Steve Bégin profite de la vie en famille à la retraite, lui qui est impliqué dans le domaine de la constructi­on (génie civil). 2. C’est par le biais de l’applicatio­n Challengeu que Bégin suit ses cours de français et d’anglais, dans le confort de...
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