Une étoile du design s’éteint
Giovanni Maur est l’idéateur derrière plusieurs restos de la Vieille Capitale
Dagobert, Saint-amour, Savini, Michelangelo, Parmesan… ces restaurants de Québec ont une chose en commun : la quête de la perfection du designer Giovanni Maur.
Ce continuel souci du travail bien fait a marqué les proches du designer d’origine italienne, décédé le 3 novembre dernier à l’âge de 79 ans.
« C’est un personnage unique dans son domaine. C’est un grand créateur, un designer qui recherchait le petit détail. Il voyait tout. Tout était scruté à la loupe. Un perfectionniste, parfois même exagéré », se remémore son bon ami Beppino Boezio, qui assistait à ses funérailles à l’église Saint-albert-le-grand, hier avant-midi.
Perfectionniste, à un point tel qu’il en faisait une véritable obsession. Dans chacune de ses créations, Giovanni Maur ne laissait rien au hasard.
« On a passé une journée et demie juste pour trouver la bonne courbe sur une moulure de bois », se rappelle un collègue de travail.
« Un moment donné, ils ont fait un agran- dissement au Dagobert, où ils ont surélevé le toit. Tout était terminé, ça avait coûté cher. Giovanni est arrivé la journée de l’ouverture… Il regarde et dit “j’ai fait une erreur. J’ai mal calculé la poutre, elle est trop basse d’un pied et demi” », raconte Jacques Fortier, copropriétaire d’un autre restaurant façonné par Giovanni Maur, le Saint-amour.
« Les gens ne voyaient pas tout le haut du bar… Ce n’était pas grand-chose, mais Giovanni a dit “Oui, c’est grave. Il faut que tout soit parfait. On ouvre le toit”. Je pense que ç’a coûté 60 000 $. Il disait que sa clientèle avait droit à ce qu’il y avait de mieux », relate M. Fortier.
UN GRAND FRÈRE
Giovanni Maur n’a pas eu de grand frère, mais il aura joué ce rôle auprès de nombreuses personnes qu’il a côtoyées au fil des ans. Débarqués au Canada en 1958, sa famille et lui ont été le foyer d’accueil de M. Boezio, aussi originaire de la région de Gorizia.
« Sa mère nous a gardés chez elle pendant des mois quand on est arrivés ici, sans parler français, anglais, rien. Giovanni, pour moi, c’était mon grand frère. Comme mes frères étaient en Italie, c’était lui mon grand frère à Québec », affirme M. Boezio, qui était à la fois un partenaire d’affaires.
La grande soeur de Giovanni, Danira, lui réserve les mêmes éloges, alors qu’il a été une figure fraternelle pour ses enfants.
« Il était aimable, toujours disponible. Mes enfants ne demandaient pas conseil à leur père, ils le demandaient à lui. Il est resté chez nous longtemps. Il était comme un grand frère pour nos enfants », se souvient-elle.
« UN HÉRITAGE MAGNIFIQUE »
Sa manière de faire n’avait plus besoin de présentation. Pas surprenant que la plupart des grands restaurants de Québec lui aient fait confiance pour retaper leur établissement. Une escapade de quelques minutes dans le Vieux-québec suffit pour tomber sur le fruit de son travail.
« Le monde change. Mais les styles qu’il faisait, ça durait pour la vie. Et je lui disais “Giovanni, tu laisses un héritage magnifique” », raconte M. Boezio.
Emblème de la Grande Allée, le Dagobert se sera avéré une création à son image.
« Les fêtes ne seront plus pareilles. Il arrivait toujours en retard, mais c’était aussi le dernier parti ! », se rappelle joyeusement son bon ami.