Le Journal de Quebec

Une famille déchirée par la transition

L’ex-conjointe d’un vétéran québécois dénonce le manque de ressources et d’aide pour les familles

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OTTAWA | Une Québécoise dont la famille a été déchirée par l’apparition d’un stress post-traumatiqu­e chez son ex-mari militaire dénonce le manque de ressources disponible­s pour les familles des vétérans.

« Mes enfants ne me parlent plus, et ceux de mon ex-conjoint n’ont plus aucun contact avec lui. Les enfants sont le dommage collatéral du père blessé et de la mère qui tient tout sur ses épaules et qui n’est plus capable », lance Jenny Migneault.

Son ex-conjoint Klode Rainville était sergent dans les Forces armées canadienne­s (FAC) avant de prendre sa retraite. Les deux Québécois se sont rencontrés à la fin de la carrière militaire de M. Rainville.

DESCENTE AUX ENFERS

« Notre famille a éclaté durant [mon retour à la vie civile]. Du moment que j’ai rencontré Jenny jusqu’à notre séparation en 2015, c’est elle qui me tenait en vie parce que rien n’allait plus pour moi », ajoute M. Rainville.

Mme Migneault raconte avoir vécu « l’enfer » de la transition lorsqu’elle était en couple à partir de 2002 avec son ex-mari. Isolement, dépression, anxiété, troubles familiaux, faillite et même six mois sans abri faute de pouvoir payer son loyer : elle dit avoir presque tout perdu après avoir quitté son emploi afin d’appuyer son ancien mari lors de son départ des Forces.

Celui-ci avait subi de nombreux troubles de santé mentale, dont un trouble du stress post-traumatiqu­e et une dépression après avoir vu « des horreurs » lors d’une tournée de 17 mois en Haïti à la fin des années 1990.

BARRE À CLOUS

« J’ai dû arrêter de travailler pour prendre soin de mon mari. Donc on est passés à 100 000 $ de revenu par année à 42 500 $ pour une famille de six personnes. Mon mari a occupé 15 emplois en trois ans parce qu’il ne réussissai­t pas à s’adapter à la vie civile. Il dormait avec une barre à clous accrochée au lit », explique Mme Migneault.

La condition mentale de son ex-mari, qui était parfois paranoïaqu­e, parfois colérique et souvent déprimé, a poussé la famille à s’isoler.

« Tous les problèmes retombent sur ceux qui entourent le vétéran, et on commence à s’enfoncer dans un cercle vicieux où on est gênés de parler de la situation avec les autres, donc on s’isole. Ensuite, on tombe dans la solitude, la dépression et une relation familiale extrêmemen­t toxique », continue celle qui est divorcée depuis deux ans.

RECONNAÎTR­E LES CONJOINTS

Depuis, Mme Migneault est devenue une militante pour le droit des conjointes et des familles d’anciens combattant­s. Elle partage l’histoire de sa famille avec l’accord de son ex-mari.

Parmi ses objectifs : faire reconnaîtr­e formelleme­nt les conjoint(e)s de militaires comme aidants naturels et leur donner plus d’outils et d’éducation pour aider les vétérans.

« Les conjointes n’ont aucune aide, aucune formation et aucune reconnaiss­ance. On doit vivre avec l’insécurité financière, l’adaptation aux médicament­s, les épisodes de crise qui poussent le militaire et sa famille à s’isoler. On n’a aucun outil, aucune ressource pour nous aider à vivre tout ça », affirme Mme Migneault.

D’ailleurs, elle croit que la nouvelle enveloppe de 1000 $ par mois annoncée cette année par Ottawa pour les personnes qui s’occuperont de vétérans blessés est une « bonne première étape ».

 ?? PHOTO COURTOISIE ?? Jenny Migneault et son ex-mari, le sergent Klode Rainville, ont vécu l’enfer durant la transition de ce dernier à la vie civile. Elle dénonce le peu de ressources pour les conjoint(e)s de vétérans qui ont des problèmes de santé.
PHOTO COURTOISIE Jenny Migneault et son ex-mari, le sergent Klode Rainville, ont vécu l’enfer durant la transition de ce dernier à la vie civile. Elle dénonce le peu de ressources pour les conjoint(e)s de vétérans qui ont des problèmes de santé.

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