Le Journal de Quebec

Changer un nom, « partir le trouble »

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecomed­ia.com

Dans ce coin du monde, tout est immense : l’océan Pacifique est le plus grand sur la planète ; l’asie, le plus vaste continent ; la Chine, le plus peuplé de tous les pays. Pendant des décennies, en regardant vers l’ouest, les gens d’affaires, les militaires et les diplomates parlaient de l’asie-pacifique. Les États-unis viennent de décider que c’était voir trop petit.

Le 2 novembre, la veille du départ de Donald Trump pour le plus long voyage d’un président américain en Asie en un quart de siècle, son conseiller à la sécurité nationale, H.R. Mcmaster, s’est présenté dans la salle de presse de la Maison-blanche pour nous faire un portrait de ce qui s’en venait.

En une vingtaine de minutes, le général à la retraite a fait référence neuf fois à la région « Indo-pacifique ». L’asie-pacifique, c’est grand ; l’indo-pacifique, c’est plus gros encore. Surtout, l’expression est une grimace aux Chinois : à leur économie qui roule tambour battant, à leur vision d’un pays qui s’affiche un peu plus chaque jour comme une superpuiss­ance, à leur président que la revue The Economist vient de consacrer « l’homme le plus puissant au monde ».

H.R. Mcmaster n’a rien inventé. L’expression circule depuis une dizaine d’années et plaît bien aux Japonais, aux Australien­s et, bien sûr, aux Indiens qui se perçoivent eux-mêmes formant un arc de démocratie dans une région où les régimes autoritair­es marquent des points.

CONTENIR LES MENACES, PETITES ET GRANDES

Comme le reste du monde depuis l’élection de Donald Trump à la présidence, cette grande région est nerveuse. Tant bien que mal depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les ÉtatsUnis ont assuré la stabilité tout autour (avec quelques ratés, comme en Corée au début des années 1950 et au Vietnam dans les années 1960 et 70). L’administra­tion Trump peut reformuler ses intentions de différente­s façons, mais son retrait du Partenaria­t transpacif­ique — le grand accord de libre-échange qui aurait uni douze pays, dont le Canada — et les discours qui insistent sur « l’amérique d’abord » donnent aux leaders régionaux le signal que les États-unis ne sont plus dans le coup.

Le concept « Indo-pacifique » mélange les cartes une nouvelle fois. Tirez une ligne du Japon à l’inde en passant par l’australie et vous verrez que les Américains peuvent ainsi avoir l’oeil sur la Corée du Nord, surveiller les mouvements chinois en mer de Chine méridional­e et modérer leurs élans en Asie centrale. Le secrétaire d’état Rex Tillerson a été plus concret encore, parlant de bookends, d’appuie-livres, avec l’inde à un bout et les États-unis à l’autre : tout ce qui se trouve au centre, dont le géant chinois et le troublemak­er nord-coréen, doit se tenir bien droit.

UN CHOC À VENIR

Les Chinois sous Xi Jinping ont une idée assez précise de l’expansion de leur nouvel empire : vers l’est, entre autres, avec la Nouvelle route de la soie, qu’ils appellent « la ceinture et la route ». Tout y passe : l’asie centrale, le MoyenOrien­t, l’afrique de l’est et l’europe. La jambette que les Américains y mettent en accrochant l’inde à leur stratégie a de quoi irriter à Beijing.

Reste à voir si les États-unis vont, comme on dit ici, non seulement « talk the talk, but walk the walk ». L’asie de l’est bouillonne et mène la planète en développem­ent économique. America First s’avère peut-être un bon slogan politique, mais face aux Chinois, il faudra plus, beaucoup plus qu’une foule surexcitée en Ohio ou en Pennsylvan­ie.

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