Un village en état de choc
La pièce Le cas Joé Ferguson aborde le pardon et la compassion par l’entremise d’un meurtre sordide
Est-ce que la façon de traiter les gens peut avoir un effet sur ce qu’ils deviendront dans la vie ? À un point où certains commettront l’irréparable ? Le cas Joé Ferguson aborde cette question par l’entremise d’un meurtre sordide commis dans un petit village fictif où tout le monde se connaît.
À l’affiche au Trident jusqu’au 25 novembre, la pièce d’isabelle Hubert, mise en scène par Jean-sébastien Ouellette, plonge dans le tsunami d’émotions qui secoue un village, lorsqu’un jeune homme de 21 ans a assassiné son ancienne directrice d’école avant de mettre fin à ses jours.
Camille Dubé, une étudiante en criminologie, se pointe dans cette petite localité pour interroger les gens qui ont connu Joé Ferguson, à l’occasion d’une étude universitaire sur l’impact des crimes graves sur une population rurale. Une population qui préfère demeurer silencieuse.
On ne veut pas que les cendres du meurtrier côtoient celles des résidents. La mère de Joé Ferguson dort même près de l’urne de son fils afin de la protéger des vandales. Des graffitis avec les mots « pourriture », « chien sale » et « brûle en enfer » sont inscrits sur les murs de la maison funéraire. Le petit village est en état de choc.
CIBLÉ ET REJETÉ
Les comédiens évoluent autour et à l’intérieur d’un module où des panneaux amovibles transforment l’objet en autobus, salon funéraire, restaurant, chambre d’hôtel et le secrétariat d’une école.
Une des forces de cette proposition est cette alternance entre la quête de cette étudiante qui tente de recueillir des témoignages et une série de vignettes où les gens du village abordent le passé du tueur et son environnement familial.
Un jeune homme qui rapidement dès son enfance a été, comme sa famille, ciblé, mis en marge et rejeté. Joé Ferguson n’aurait peut-être jamais commis ce crime si on l’avait accepté et mieux traité.
Soeur Laurette, sa victime, qui savait que l’enfant était ostracisé et battu et qui a fermé les yeux, avait la capacité d’agir pour éviter cette situation. « Il ne nous contait pas sa vie. On ne sait pas pourquoi il a fait ça », lance Dereck, qui l’a côtoyé à l’école.
ENTRE LE DRAME ET L’HUMOUR
Le cas Joé Ferguson est d’abord et avant tout un drame. Un drame où l’on s’interroge, sans jamais valoriser les gestes posés par le meurtrier, sur le pardon et ses limites et le manque de compassion.
Et c’est lorsque la pièce aborde ce questionnement, avec la rage et les frustrations qui étouffent la directrice de la maison funéraire, la secrétaire d’école et la mère du meurtrier, seule et totalement dévastée, que l’objet théâtral se bonifie.
Les insertions d’humour, comme l’idylle entre l’étudiante (Joëlle Bond) et Dereck (Steven-lee Potvin), un jeune du village, et les conversations téléphoniques qu’elle a avec son chat, qui sont là pour alléger le tout, provoquent quelques ruptures de ton, qui n’étaient peut-être pas nécessaires.
On comprend les intentions de vouloir créer un équilibre face à une situation sombre, noire et dramatique, mais ces éléments d’humour deviennent accessoires et discordants.
Les comédiennes Sylvie Drapeau, dans la peau de la directrice de funérailles Dorothée Bernier, et Valérie Laroche, qui personnifie la secrétaire d’école Valérie Babin, et la mère de Joé, brisées à leur façon, excellent avec de belles tirades fort émotives et pleines de sens dans le dernier droit de la pièce.