La folle journée de Jacquelin Belenfant
Abadou veut jouer du piano est une création théâtrale complètement déjantée
« C’est quoi cette ville de fou ! » — Jacquelin Belenfant
Des situations déjantées et totalement surréalistes, des cris et des coups de feu, Abadou veut jouer du piano est un objet théâtral rocambolesque et fort particulier.
À l’affiche jusqu’au 25 novembre à Premier Acte, la création du collectif Détour Nazareth, écrite et mise en scène par Hilaire St-laurent Sénécal, détonne des propositions habituelles. Oubliez les deuxièmes niveaux de lecture, les sous-couches complexes et les prises de tête.
La compagnie, qui s’est donné comme mission de faire du théâtre populaire, bon enfant, extravagant, sans compromis et qui se joue des convenances respecte cette philosophie.
Abadou veut jouer du piano est un croisement entre la comédie de situation et l’absurde multiplié par dix.
Jacquelin Belenfant, un comptable drabe et sans envergure, décide d’abandonner son métier, de quitter son Abitibi natale pour aller s’installer à Montréal et réaliser son rêve d’enseigner le piano.
Ayant un don particulier d’engendrer le mal- heur, il aura, comme premier élève, un enfant camerounais autiste qui n’a pas de bras, pas de jambes, et qui n’entend pas. Il acceptera tout de même, dans l’urgence de payer son premier mois de loyer, de relever cette impossible mission. Un acte de folie qui sera perturbé par un étrange livreur de poulet, un ami d’enfance, une séductrice maniacodépressive, un policier cocaïnomane, une mère névrosée sur le 220, un concierge « raciste » et un voisin un peu louche.
Avec des passages à vide, des moments où l’on se demande où ça s’en va, des comédiens qui crient et hurlent dans la dernière portion de la pièce et de nombreux coups de feu qui retentissent, Abadou veut jouer du piano est loin d’être parfait.
BULLE DE FOLIE ET D’ÉVASION
Et tout à coup, comme si la chose était possible, ça dérape encore plus dans les 15 dernières minutes où la folie est au rendez-vous. C’est joué encore plus gros et les huit comédiens excellent dans une chorégraphie théâtrale totalement psychotronique.
Nicolas Centeno défend avec énormément d’énergie ce comptable, qui aurait peut-être fait mieux, finalement, de ne pas quitter son emploi de comptable, et surtout de ne pas s’installer à Montréal. Abadou veut jouer du piano aborde, à sa façon, la peur et la folie des grandes villes.
Dayne Simard livre une séquence hilarante, lorsque son personnage, un ami d’enfance de Jacquelin Belenfant, se retrouve inconscient dans un sofa.
Abadou veut jouer du piano est une création qui ne s’adresse peut-être pas aux puristes et aux amateurs de théâtre classique. Et encore moins aux habitués des théâtres d’été en raison de l’aspect très déjanté et parodique de la pièce.
L’objet théâtral est, avec ses qualités et ses défauts, une belle bulle de folie et d’évasion. On quitte la salle avec l’impression d’avoir assisté à quelque chose de totalement fou et de surréaliste. Et ça, ça fait aussi beaucoup de bien parfois.