40 M$ en primes aux docteurs
Certains ont même empoché plus de 50 000 $ pour suivre de nouveaux patients
Même s’ils n’atteindront probablement pas l’objectif de prendre en charge tous les Québécois d’ici la fin de l’année, les médecins de famille ont empoché plus de 40 millions $ en primes pour suivre de nouveaux patients depuis 2015.
« Wow ! On savait que c’était beaucoup, mais c’est énorme », réagit la Dre Isabelle Leblanc, présidente du regroupement Médecins québécois pour le régime public.
« Clairement, il y a une couple d’infirmières ou de secrétaires qui pourraient être engagées pour ce prix-là », dit-elle.
PLUS DE 40 M$
Les omnipraticiens ont reçu 40 522 527 $ depuis l’instauration d’une prime à l’inscription en novembre 2015, montrent les données de la Régie de l’assurance-maladie du Québec.
En fait, les médecins reçoivent un boni pour chaque nouveau patient inscrit, après un premier rendez-vous. En 2016, près de 21 M$ ont été distribués à 5809 médecins, et 16,2 M$ jusqu’ici en 2017.
La grande majorité des omnipraticiens a empoché moins de 10 000 $, mais certains ont gagné plus de 20 000 $, voire 50 000 $ et plus. Considérant que les primes varient de 23 $ à 300 $ par malade ( voir encadré), ces médecins ont pris en charge un grand nombre de patients.
Selon la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), ces exceptions concernent de nouveaux médecins qui se sont bâti une clientèle.
« Voyez-la (la prime) avant tout comme une compensation pour le temps professionnel supplémentaire que le médecin doit passer avec un nouveau patient », dit le Dr Louis Godin, président de la FMOQ.
UN CERTAIN MALAISE
Rappelons que les omnipraticiens se sont engagés à prendre en charge tous les Québécois qui le désiraient (environ 85 %) d’ici décembre 2017, sans quoi le ministre de la Santé Dr Barrette pourrait imposer des sanctions. À trois mois de l’échéance, le taux actuel de prise en charge n’est que de 77 %.
Conscient que l’objectif ne sera probablement pas atteint, le Dr Godin se réjouit de voir une meilleure prise en charge en 2017. Or, pour plusieurs médecins, ce boni suscite un certain malaise.
« Payer (une prime à) un médecin pour faire ce qu’il est censé faire, c’est assez étrange », dit la Dre Leblanc.
« Il y a tellement de primes qu’à un moment donné, tu reçois un chèque et tu dois aller voir pourquoi c’est. Je ne pense pas que ça change le comportement des médecins. C’est une façon détournée d’augmenter la rémunération. »
POUR LES PATIENTS
Du côté du Regroupement des médecins omnipraticiens pour une médecine engagée (ROME), on n’est pas convaincu que la prime a eu un impact sur la prise en charge.
« Il faudra l’évaluer dans le temps, dit prudemment la Dre Dominique Hotte, porte-parole du ROME.
Mais, si ça fait que certains médecins sont plus motivés, tant mieux. En fin de compte, ce sont les patients qui en bénéficient », dit-elle.
Selon la FMOQ, cette prime doit rester en place, même après l’atteinte d’un taux de prise en charge de 85 %.
« On ne jouera pas dans ces tarifs-là, dit le Dr Godin. Mais, ça va coûter moins cher dans l’enveloppe, il y aura moins de patients à prendre. »