« Oui, là on est dans la m... »
Les employés de la MMA ont mis 90 minutes avant de se rendre compte que leur train avait explosé
SHERBROOKE | Ça a pris 90 minutes avant que les employés de la MMA comprennent que c’était leur train qui venait d’exploser au centre-ville de Lac-mégantic.
Peu après le départ des pompiers, qui venaient d’éteindre un feu de locomotive à Nantes, la Sûreté du Québec (SQ) a rappelé le contrôleur ferroviaire Richard Labrie pour qu’il envoie des responsables de la Montreal, Maine & Atlantic (MMA) parce que le centre-ville de Lac-mégantic était en flammes.
La préposée de la SQ ne pouvait lui confirmer si c’était le train de pétrole supposément garé à Nantes qui était en cause, mais elle insistait de faire vite.
« Les gars sont dans le jus. Ils me demandent de vous aviser de nous envoyer quelqu’un parce que ça saute », a-t-elle exposé, lors d’un appel présenté hier aux membres du jury.
Comme la MMA enregistrait toutes les communications des contrôleurs de la circulation ferroviaire, les enquêteurs de la SQ ont saisi les fichiers informatiques des conversations survenues avant et après la tragédie du 6 juillet 2013.
STRESS INTENSE
Plusieurs ont été écoutés au procès des trois ex-employés de la MMA, Tom Harding, Richard Labrie et Jean Demaître, accusés de négligence criminelle ayant causé la mort des 47 victimes.
Durant cette nuit d’enfer à Lac-mégantic, M. Labrie a multiplié les appels pour savoir si c’était son train de pétrole qui avait roulé de Nantes à Lac-mégantic et déraillé.
« Ça me stresse en tab... », répétait-il.
« C’EST L’APOCALYPSE »
Le conducteur du convoi qui l’avait garé à Nantes, Tom Harding, lui disait qu’une fuite de gaz était sûrement responsable de l’incendie, comme lui aurait indiqué les policiers. M. Labrie ne pouvait pas obtenir de l’information des collègues qu’il avait dépêchés sur les lieux, car ils n’arrivaient pas à se déplacer. La ville était divisée en deux.
Près de 90 minutes après le déraillement, survenu à 1 h 13 du matin, un chauf- feur de taxi a confirmé à M. Labrie qu’il s’agissait bien de son train.
« Le train est entré à toute vitesse au centre-ville. Il va y avoir des dizaines et des dizaines de morts », lui a-t-il annoncé.
Quand le directeur régional du transport à la MMA, Jean Demaître, a été mis au courant, il croyait être dans une « vue ».
« C’est l’apocalypse à Mégantic », disait M. Labrie.
M. Labrie a ensuite laissé tomber cette phrase : « Oui, là on est dans la marde. »