Le Journal de Quebec

Contre l’école-gadget

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

Réinventer l’école ! Ce slogan, on l’a entendu mille fois. Il nous vient souvent de ministres, mais il est aussi répété en boucle par des apprentis sorciers qui prétendent d’une manière ou d’une autre révolution­ner la pédagogie.

Ils s’imaginent, par exemple, qu’on enseignera par le jeu. Ou alors, ils croient en la rédemption par les nouvelles technologi­es, comme si la pédagogie ne pouvait désormais se passer d’elles. Ils misent sur la tablette, sur le cellulaire ou sur n’importe quel autre écran pour métamorpho­ser la vie à l’école.

MODERNITÉ ?

C’est ce qui les amène, de temps en temps, à croire qu’une vidéo Youtube vaut bien un livre, comme si ce dernier n’était finalement qu’une technologi­e vieillie, faite pour accumuler la poussière. Appelons-les les militants de l’école gadget.

Ces réinventeu­rs compulsifs sont obsédés par une chose simple : s’arracher à l’école du passé. Ils se l’imaginent dictatoria­le et coupée de la vie. On imagine les maîtres tyrannisan­t les élèves, ne les respectant pas, les étouffant même.

C’est une caricature, évidemment, grossière, grotesque, qui ne correspon- dant pas vraiment à la réalité. Ils y tiennent, toutefois, puisqu’elle justifie leur refus fanatique de la tradition. Plus le passé sera laid, plus on sera en droit de s’en servir comme d’un repoussoir.

D’ailleurs, il y a un crime qu’ils ne pardonnent pas : la nostalgie. Celui qui, d’une manière ou d’une autre, se met à regretter ne serait-ce qu’un aspect du monde d’hier et de son école en est accusé. Il passera immédiatem­ent pour un taré passéiste et une vieille baderne.

Pourtant, ils sont nombreux, au fond d’eux-mêmes, à savoir que nous avons perdu quelque chose de précieux en chemin avec la modernisat­ion de l’éducation.

Est-ce le silence des élèves à la bibliothèq­ue, considérée comme le temple du savoir au sein de l’école ?

Est-ce la concentrat­ion qu’on valorisait dans la lecture d’un livre alors qu’aujourd’hui l’attention papillonne et passe d’un lien internet à l’autre, sans être capable de se fixer sur quoi que ce soit ?

Est-ce le respect qui était dû aux enseignant­s à une époque où ils ne devaient pas faire de la gestion de classe à temps plein avec des enfants à problème ?

Est-ce la modestie de chacun devant les grandes oeuvres, qu’on avait souvent honte de ne pas avoir encore lues alors qu’on savait bien que s’y cachait un trésor ?

Une chose est certaine : si l’école d’hier n’était évidemment pas parfaite, elle n’avait pas que des défauts. Il ne faut pas réinventer l’école, mais retrouver ses fondements éternels.

TRADITION

Il faut la sauver de ses faux amis du ministère, des facultés de pseudoscie­nces de l’éducation et des idéologues de la nouveauté à tout prix.

Imaginons l’école de demain : un enseignant passionné et cultivé, des élèves concentrés, les téléphones portables rangés dans un casier, les autres écrans éloignés, une bibliothèq­ue digne de ce nom qu’on apprend à aimer, la culture valorisée et vénérée.

Elle serait très bien, cette école.

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 ??  ?? L’école d’hier n’avait pas que des défauts. Sur la photo, les trois fondateurs du projet Laboratoir­e pour une école contempora­ine (Lab École), Pierre Thibault, Ricardo Larrivée et Pierre Lavoie.
L’école d’hier n’avait pas que des défauts. Sur la photo, les trois fondateurs du projet Laboratoir­e pour une école contempora­ine (Lab École), Pierre Thibault, Ricardo Larrivée et Pierre Lavoie.
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