Le Journal de Quebec

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Gérald Gallant a raté sa deuxième tentative et a dû se débarrasse­r de son auto

- ERIC THIBAULT

L’après-midi du 12 avril 1993, Bertrand Duchaine a enfourché son vélo pour aller acheter « du 7-Up » parce que ses enfants avaient « la gastro ». En sortant de l’épicerie, il avait le canon d’un revolver pointé sur lui. Trois ans après avoir échoué une première fois à liquider Bertrand « Bébé » Duchaine, Gérald Gallant était revenu à la charge. « Raymond Bouchard m’a redemandé de l’essayer encore », a expliqué à la Sûreté du Québec (SQ) le tueur à gages devenu délateur. Bouchard, un proche du caïd du gang de l’ouest Raymond Desfossés, aurait montré à Gallant où sa cible habitait. Il lui aurait aussi indiqué à quelle épicerie elle allait faire ses courses « presque tous les jours », sur l’avenue Ruel, à Beauport, maintenant un arrondisse­ment de la ville de Québec. Méticuleux, Gallant se targuait de bien planifier ses exécutions. Généraleme­nt, il surveillai­t les allées et venues de sa victime pendant des jours pour déterminer l’endroit le moins risqué et le meilleur moment pour frapper. Il ne laissait rien au hasard. Mais cette fois-ci, il n’a pas pris le temps de préparer son coup.

« JE L’AI, Y EST LÀ… »

Vers 15 h ce jour-là, Gallant, au volant de sa Volkswagen Golf, circulait près de l’épicerie que lui avait montrée Bouchard, avec l’intention d’aller se stationner plus loin et de revenir à pied pour faire le guet et attendre que Duchaine se pointe.

– Comme je me rendais là, j’ai été surpris parce que je l’ai vu sortir de l’épicerie, relate-t-il à l’enquêteur Pierre Frenette.

– Vous n’étiez pas prêt ? lui demande le policier.

– Non. J’ai dit : « Qu’est-ce que je fais ? Je l’ai, y est là ». Alors sur un coup de tête, je suis allé vers lui, pis j’ai tiré dessus.

ROTULE TRANSPERCÉ­E

Bertrand Duchaine avait déjà le coeur dans la gorge en prenant le guidon de son « 10 vitesses » CCM blanc.

« C’était la fin de semaine de Pâques, a-t-il récemment raconté au Journal. Les enfants et tout le monde à la maison étaient malades. Je prends mon bicycle à pédales pour aller chercher un litre de 7-Up. Je sors de là, je rembarque sur mon bicycle et je vois un char qui ralentit en arrivant près de moi.

« La vitre du côté passager était baissée. Il n’a pas arrêté. J’ai vu des flammes sortir au bout d’un gun. Il a tiré quatre, cinq coups. Une balle m’a traversé la palette du genou [droit] bord en bord. Je suis tombé et il a crissé le camp. »

La version de Gallant diverge un peu de celle donnée le jour même aux policiers par sa victime, et qui a été corro- borée par un témoin oculaire du crime.

Plus de 13 ans après les événements, le tireur a affirmé avoir stationné son auto au milieu de la rue, en être sorti et avoir tiré à bout portant avant de s’enfuir.

« SIX PIEDS À FAIRE POUR… »

Gallant a dit au sergent Frenette qu’il aurait aisément pu achever Duchaine.

« J’avais cinq, six pieds à faire pour aller… T’sais… Mais je me suis retourné et il commençait à y avoir du monde un peu. Alors je me suis retiré. »

Comme en 1990, la police municipale de Beauport n’a pas trouvé Bertrand Duchaine très volubile. La victime, alors « bien connue des policiers », se disait incapable d’offrir la moindre descriptio­n du tireur.

« Aucune coopératio­n de la part de la victime. Aucun indice. Aucun suspect », a écrit le sergent détective Gérard Miller dans son rapport.

Dans un article publié le lendemain dans Le Journal de Québec, une source policière parlait d’un « règlement de compte » inexpliqué.

SON AUTO « À LA SCRAP »

Quand Gallant a entendu aux nouvelles que la police était à la recherche

d’une « Golf bleue » en lien avec cet événement, il n’a pas pris de chance.

« J’ai communiqué avec Raymond Bouchard en lui disant qu’il fallait que je me débarrasse de cette voiture-là. Je voulais pas me promener, pis être vu avec ça », a-t-il raconté à la SQ.

Bouchard, un ferrailleu­r qui était propriétai­re du commerce Métal Beauport, a dit à Gallant de conduire sa voiture dans un garage non loin de chez lui.

« J’ai tout laissé là. Raymond Bouchard est venu me reconduire chez moi. Une couple de jours après, il a communiqué avec moi et il m’a dit en riant que ma voiture avait eu un trouble électrique et avait pris en feu. »

Gallant n’a pas fait de réclamatio­n à ses assureurs « pour ne pas qu’y ait d’enquête ». Il a prévenu la Société d’assurance automobile du Québec qu’il avait laissé la Golf « dans une cour à scrap ».

PAS PAYANT

Le tueur à gages avait non seulement échoué une deuxième fois à exécuter le contrat de meurtre sur Bertrand Duchaine, mais il avait aussi perdu sa voiture.

Il a expliqué à l’enquêteur Frenette qu’il a reçu à peine 4000 $ pour ce contrat raté, alors qu’il n’avait pas eu un sou pour sa première tentative en 1990.

– Ça couvrait-tu les frais de l’auto ou… ? s’est enquis le policier. – Pfff… – Même pas ? – Non, a concédé Gallant. Quand Frenette lui a demandé s’il y avait eu des tentatives subséquent­es pour tuer Bertrand Duchaine, le délateur a répondu : « Non. Pas à ce que je me souvienne. »

Il s’est repris 10 ans plus tard sur le frère de Bertrand Duchaine, Christian, qui fut sa dernière victime. - Avec la collaborat­ion de Félix Séguin, Bureau d’enquête

 ??  ?? CHRISTIAN DUCHAINE Victime Bertrand Duchaine sortait de cette épicerie quand Gérald Gallant lui a tiré dessus pour la seconde fois.
CHRISTIAN DUCHAINE Victime Bertrand Duchaine sortait de cette épicerie quand Gérald Gallant lui a tiré dessus pour la seconde fois.
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La victime circulait sur ce vélo quand une balle lui a traversé un genou. Devenu délateur en 2006, Gérald Gallant était lui-même devenu un fanatique de vélo pendant qu’il menait sa carrière de tueur à gages. Le délateur Gérald Gallant, sur les lieux de...

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