Le Journal de Quebec

La nouvelle négritude

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

On pourra casser tout le sucre que l’on veut sur ce gérant de la boutique Adidas à Montréal, qui a pensé dire « un mot en français » pour « accommoder » lors de l’ouverture officielle.

Mais le jeune homme voulait bien faire. Et c’est là le drame : son inconscien­ce de la significat­ion profonde de ce qu’il faisait.

Il avait complèteme­nt intérioris­é que le respect du français est devenu une politesse de surface à laquelle on se plie « parce qu’il le faut bien ».

INCONSCIEN­CE

Tous ces francophon­es qui faisaient la file devant la boutique le lendemain étaient indifféren­ts, rangeant sans doute l’affaire dans la catégorie des tempêtes dans un verre d’eau.

Et c’est aussi le drame : leur inconscien­ce collective.

Hier également, des gens qui connaissen­t le jeune homme expliquaie­nt aux médias qu’il n’est pas « méchant », comme si c’était ce qu’on lui reprochait.

Eux aussi, totalement inconscien­ts du fond du problème, qui est le pommier et non la pomme.

Redisons-le : rien de ceci n’est la faute des anglophone­s.

C’est beaucoup leur demander que de respecter des francophon­es qui ne se respectent pas eux-mêmes.

C’est encore moins la faute des immigrants : dès leur arrivée ici, pas idiots, ils voient clairement la direction du vent.

C’est de notre faute. Nous redevenons des colonisés. Point à la ligne.

Le colonialis­me est particuliè­rement insidieux quand il ne prend pas l’allure d’une oppression caractéris­ée, comme c’est le cas chez nous.

Au Québec, il prend deux formes principale­s.

D’abord, vous avez le francophon­e qui n’exige pas le respect de sa langue parce qu’il ne veut pas faire chier, ne veut pas passer pour un « fatigant ».

Celui-là s’excuse presque que sa

Des colonisés, mais fiers d’eux.

langue soit un dérangemen­t. Il a l’âme d’un valet.

Ensuite, vous avez le francophon­e qui trouve « cool » de passer à l’anglais. Il a le sentiment de s’élever, de pénétrer dans les salons qui comptent vraiment.

Ce petit monsieur se justifiera en invoquant son « ouverture », sa « modernité », son « réalisme ».

IMITER

Au contraire du valet, qui comprend sa condition et vit son humiliatio­n en silence, ce petit monsieur satisfait et fier de lui se drapera dans une posture de supériorit­é ricaneuse. Il fera le smatte. Il n’a plus de temps à perdre avec les combats surannés de papy. La liberté, pour lui, se réduit à être ce qu’il veut.

Il est peut-être plus profondéme­nt colonisé que le premier, car il essaie, plus ou moins consciemme­nt, d’imiter son maître.

Si vous lui en faites la remarque, vous récolterez incompréhe­nsion, car il ne réalise plus qu’il singe le maître, ou agressivit­é, quand il s’aperçoit que vous avez démasqué son double jeu.

Les nouveaux « Nègres blancs d’amérique » textent en vêtements griffés et espadrille­s de luxe.

Mais ce sont encore des domestique­s.

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