Le Journal de Quebec

Francisati­on : échec et mat

- DENISE BOMBARDIER

Si cela n’était pas le cri de ralliement des Témoins de Jéhovah, j’écrirais, « Réveillez-vous ! » La vérificatr­ice générale du Québec, elle, est formelle : la francisati­on au Québec est une catastroph­e.

Les 50 000 immigrants ignorant le français ne sont que 30 % à suivre les cours offerts par l’état. Pire, la grande majorité d’entre eux ne réussissen­t pas à atteindre le niveau minimal pour décrocher un emploi ou s’inscrire à des études postsecond­aires. Ils ne sont que 9 % à atteindre ce niveau à l’examen oral et à peine 3,7 % à l’écrit.

Et le désistemen­t en cours de francisati­on se chiffre à 17 %. Quant aux abandons avant les examens, ils s’élèvent à 31 %. Il faut blâmer l’absence de suivi de la part du ministère de l’immigratio­n, de la Diversité et de l’inclusion. D’ailleurs, ce ministère devrait laisser tomber son objectif d’inclusion à moins que le gouverneme­nt estime que parler anglais au Québec est une manière efficace de s’inclure dans la communauté anglophone. Alors basta l’inclusion à la majorité francophon­e.

MINORITAIR­ES

Les immigrants vivent en majorité à Montréal. Or, les statistiqu­es indiquent que 51 % des Montréalai­s sont anglophone­s ou allophones contre 49 % de francophon­es. À n’en point douter, ce 49 % va se réduire d’année en année tant que le Parti libéral occupera le pouvoir.

L’âge et l’expérience me rendent pessimiste. Car, ne nous leurrons pas, cette tendance se maintiendr­a avec l’arrivée des nouveaux immigrants venus en grande majorité de pays où le français est totalement ignoré. Hier, l’on apprenait aussi que 10 % seulement des milliers de demandeurs d’asile haïtiens qui ont franchi illégaleme­nt la frontière cet été seront acceptés au Canada. Alors que la très grande majorité des réfugiés venus de Syrie, du Soudan et d’ailleurs ont été acceptés. Mais on suppose qu’ils s’installent pour la plupart au Canada anglais.

Se rend-on compte des conséquenc­es de la gouvernanc­e « inclusive » de Philippe Couillard ? Sommes-nous conscients des affronteme­nts qui s’annoncent ? L’immigratio­n est le sujet le plus sensible dans nombre de pays occidentau­x, ce qui explique la montée des extrémisme­s qui menacent la démocratie.

La francisati­on au Québec est une catastroph­e

MALAISE

Pendant ce temps, le malaise des Québécois francophon­es s’accentue. Mais il ne semble pas y avoir consensus. Cette semaine, le petit patron de la boutique Adidas a daigné dire quelques mots en français afin d’« accommoder la Ville de Montréal et les médias francophon­es ». Il est à l’image des héritiers des échecs référendai­res qui vibrent à la mondialisa­tion culturelle et se vantent de leur ouverture planétaire même s’ils ignorent l’histoire et la géographie.

Ces Québécois de demain, plus nombreux qu’on ne l’imagine, regardent les aînés, le sourire en coin, l’air de dire : « Pauvres vieux, avec leurs radotages ! »

C’est vrai qu’il faudrait un puissant radotage collectif pour freiner cette dépossessi­on linguistiq­ue qui n’est pas le fait des immigrants, mais de ceux qui gouvernent le Québec, la tête froide, avec une incompéten­ce pour toutes les dimensions collective­s d’un peuple qui disparaîtr­a, anesthésié par ses élites postnation­ales et urbano-mondialist­es.

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