Le Journal de Quebec

Immigratio­n et recul du français au Québec

- FATIMA HOUDA-PEPIN fatima.houda-pepin@quebecorme­dia.com

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère

Le rapport de la Vérificatr­ice générale du Québec rendu public le 23 novembre dernier est implacable quant à l’échec du ministère de l’immigratio­n, de la Diversité et de l’inclusion (MIDI) en matière de francisati­on des immigrants.

De 2010 à 2016, sur les 283 000 immigrants de 16 ans et plus accueillis au Québec, 98 000, soit le tiers, avaient déclaré ne pas connaître le français et très peu l’ont vraiment appris à leur arrivée au Québec.

Ils sont nombreux à n’avoir pas atteint le niveau leur permettant d’entrer sur le marché du travail, sans compter les délais d’attente interminab­les pour accéder aux cours qu’ils abandonnen­t avant la fin des programmes.

Aussi accablant qu’il puisse être, ce portrait peu reluisant du MIDI ne doit pas nous faire oublier l’autre côté de la médaille, celui des immigrants francophon­es qu’on recrute à grands frais et qui nous arrivent avec des diplômes et des expérience­s scientifiq­ues et techniques acquises tout en français, mais qui peinent à travailler en français au Québec.

ET LES IMMIGRANTS FRANCOPHON­ES ?

Si les immigrants doivent contribuer à la pérennité du fait français, comment expliquer l’absence de structures d’intégratio­n adéquates leur permettant d’avoir un travail, en français, à la hauteur de leurs compétence­s ?

Quel exemple donne-t-on aux immigrants non francophon­es que le MIDI peine à franciser, à grands frais, sans grand succès ? Pourquoi ces derniers se désintéres­sent-ils tant du français, alors que les cours leur sont offerts gratuiteme­nt et qu’ils disposent d’allocation­s et de frais de transport ?

Il faut croire que lorsqu’ils voient le sort réservé aux immigrants francophon­es qui constituen­t les contingent­s les plus élevés des chômeurs au Québec, ils n’hésitent pas à remettre en question la pertinence de s’investir dans l’apprentiss­age du français.

Car au-delà de la socialisat­ion, pour les immigrants, le français est d’abord une clé pour leur intégratio­n économique. Ils seraient prêts à l’apprendre à leurs frais s’ils savaient qu’il représente réellement une plus-value sur le marché du travail, c’est-à-dire s’ils auront la possibilit­é de travailler en français avec les francophon­es.

QUI SE PRÉOCCUPE DU FRANÇAIS ?

Que d’émotion après la gaffe d’un gérant d’adidas, Alexandre Des Roches, qui s’est excusé de « dire un mot en français pour accommoder la ville de Montréal et les médias francophon­es », à l’ouverture d’un de leurs magasins.

L’indignatio­n était justifiée. Il est inadmissib­le qu’on s’excuse de parler français au Québec alors que c’est notre langue officielle. Mais l’indignatio­n ne doit pas s’arrêter à ce seul cas, car il est loin d’être isolé.

Des « Alexandre Des Roches » sont légion au Québec. Des francophon­es : présidents d’entreprise­s, professeur­s d’université, profession­nels, gestionnai­res, etc., travaillen­t quotidienn­ement en anglais et le bilinguism­e institutio­nnel est désormais un fait accompli.

C’est très préoccupan­t, surtout quand l’exemple vient d’en haut, comme quand M. Philippe Couillard, avait déclaré, en plein débat des chefs, le 27 mars 2014, qu’il est important que « les ouvriers québécois » parlent anglais « même sur les planchers d’usine ».

Ou quand il a représenté le Québec, à titre de chef de gouverneme­nt, à Reykjavík, le 1er novembre 2014, et qu’il s’est adressé, en anglais, à la Conférence de l’artic Circle.

Ou encore lorsqu’il a signé, par « réflexe automatiqu­e » le livre d’or de Siemens, à Munich, le 14 juillet 2016, toujours en anglais.

Force est de constater que le Québec est orphelin de leadership en matière de défense du français.

 ??  ?? La Vérificatr­ice générale du Québec a dressé un sombe bilan de la francisati­on des immigrants au Québec depuis 2010 dans son rapporté présenté jeudi.
La Vérificatr­ice générale du Québec a dressé un sombe bilan de la francisati­on des immigrants au Québec depuis 2010 dans son rapporté présenté jeudi.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada