Le Journal de Quebec

Vos gueules ET en français

- LISE RAVARY

Nous avons raison de craindre l’érosion du fait français au Québec, ce qui mènerait à longue échéance à l’affaibliss­ement de notre culture, à notre disparitio­n.

Tant que nous accuserons l’autre, l’immigrant, l’anglo ou l’ado d’être seuls responsabl­es de cette catastroph­e appréhendé­e, la situation va continuer à se détériorer. Le problème, c’est « Nous ». C’est notre responsabi­lité de contrer les effets pervers de la mondialisa­tion, des migrations de masse et du règne de la facilité en éducation – le français, c’est compliqué – en valorisant les petits trésors de l’humanité que sont notre langue et notre culture.

Ce n’est pas la faute des immigrants si les programmes de francisati­on sont nuls. Si nous méprisons et bafouons notre langue.

Les lois ne ralentiron­t pas le déclin du français au Québec. C’est une bonne dose d’amour qu’il lui faut.

LIBRES DE DIRE

Mais un autre péril, tout aussi – sinon plus – dangereux qu’un éventuel déclin du français, nous guette. Si les jeunes semblent indifféren­ts aux langues autres que l’anglais, cette indifféren­ce s’étend à la liberté d’expression face aux opinions qui leur déplaisent et à la pression de la rectitude politique.

L’université Wilfrid-laurier de Waterloo, en Ontario, a fait parler d’elle à travers le monde – sauf au Québec – récemment, après avoir sanctionné une chargée de cours, la doctorante Lindsay Shepherd, qui avait présenté à ses étudiants en communicat­ions un extrait d’un débat sur le genre à l’émission The Agenda de TVO, le Télé-québec ontarien.

Parmi les panelliste­s se trouvait Jordan Peterson, un controvers­é professeur de psychologi­e de l’université de Toronto qui refuse qu’on l’oblige à utiliser des pronoms neutres – ou non genrés – pour s’adresser à ses étudiants trans. Une femme trans de Vancouver partageait son point de vue.

Les autres défendaien­t, au nom du respect, l’imposition de pronoms comme « zhi » et « zher » au lieu de « he » et « her ». (En français, on suggère de remplacer « il » et « elle » par « iel ».)

Malheureus­ement, un ou des étudiants – c’est confidenti­el – ont porté plainte. Mme Shepherd a été accusée par son supérieur d’avoir montré un clip « transphobe » et d’avoir créé une atmosphère « toxique » sur le campus tout en suggérant qu’elle-même était « transphobe. » Elle a dû s’expliquer.

HALLUCINAN­T

L’enregistre­ment de l’interventi­on des autorités qu’a réalisé Lindsay Shepherd est disponible en ligne. Entendre des universita­ires de renom remettre en question la liberté de penser et de dire ainsi que la pertinence de présenter des points de vue controvers­és est terrifiant.

Calme et posée, bien que vilement attaquée, Lindsay Shepherd explique qu’elle voulait enseigner aux étudiants qu’une chose aussi banale qu’un pronom peut avoir une dimension politique, en présentant les deux côtés du débat sans prendre parti. Elle ne défendait pas Peterson mais exposait le point de vue du professeur de psychologi­e à ses jeunes étudiants. C’en était trop pour l’université.

On lui a fait comprendre que la liberté académique n’inclut pas la reconnaiss­ance de l’existence de deux côtés à la médaille des pronoms genrés/non genrés, pas plus qu’il n’existe deux côtés à la médaille au sujet d’hitler.

L’université a présenté ses excuses à Lindsay Shepherd, mais dans quel monde de fous vivons-nous quand les gardiens de la connaissan­ce associent liberté d’expression et répression ?

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