Le Journal de Quebec

Enfin, elle ne sera plus considérée comme « une menace au pays »

- CHRISTOPHE­R NARDI

OTTAWA | Une ex-militaire lesbienne qui s’est fait dire qu’elle était carrément une « menace au pays » à cause de son orientatio­n sexuelle dit que les excuses du gouverneme­nt vont lui enlever un poids « qui m’écrase depuis 38 ans ».

« Vivre avec le fait que tes supérieurs militaires et le gouverneme­nt pensent que tu es considérée une menace à ton pays, ça te marque à vie. Les dernières décennies n’ont pas été faciles, mais maintenant les responsabl­es vont admettre ce qui s’est passé à l’époque, et ils vont avouer que ce n’était pas correct », dit Diane Pitre en soupirant de soulagemen­t.

HONTE

« On va finalement me dire que j’étais une bonne soldate et que leur décision était une erreur. On va finalement m’enlever un poids des épaules qui m’écrase depuis 38 ans », continue l’ex-militaire, qui réside maintenant dans la région d’ottawa.

Comme des centaines, voire des milliers de ses ex-collègues militaires depuis les années 1950, elle a été expulsée du jour au lendemain des Forces armées canadienne­s (FAC) après de nombreuses enquêtes « extrêmemen­t invasives » qui ont révélé qu’elle était lesbienne.

Non seulement son capitaine lui rendait la vie infernale en la suivant partout sur la base militaire et lui répétant qu’elle était une « déception », mais elle a également vécu le calvaire avec certains de ses collègues.

« Des hommes venaient me voir sur la base pour me dire qu’ils pourraient me convertir à l’hétérosexu­alité si je leur en donnais la chance. Et un jour, un militaire a glissé de la drogue dans mon verre et je me suis réveillée le matin suivant, violée », se rappelle Mme Pitre.

Elle dit avoir tout fait pour tenter d’oublier ces mauvais souvenirs au fil des années.

La honte de s’être fait traiter ainsi dans le cadre de son travail et de se faire expulser cavalièrem­ent après quatre ans de carrière militaire l’a poussée à rester muette au sujet de sa carrière militaire auprès de ses amis jusqu’à l’an dernier.

C’est d’ailleurs au cours des dernières années qu’elle a appris qu’elle avait même le droit d’être reconnue comme vétéran, après des décennies de refus de la part du gouverneme­nt. Et malgré l’enfer qu’elle a vécu en raison de son orientatio­n sexuelle, elle n’a jamais cessé de rêver à une carrière militaire. Elle a même considéré rejoindre les Forces.

« L’âge limite pour travailler comme militaire est de 60 ans, et j’en ai 59, donc ça n’en vaut pas la peine. Mais j’ai longtemps voulu retourner dans les Forces après la fin de l’interdicti­on des homosexuel­s en 1992, mais j’avais déjà ma nouvelle carrière chez Postes Canada », raconte-t-elle.

DRAPEAUX GAIS SUR LES BASES

Reconnaiss­ant les dommages causés à ses anciens membres LGBT, la direction des FAC a d’ailleurs décidé de hisser le drapeau gai au quartier général à Ottawa mardi prochain. C’est une première historique pour cet organisme qui a refusé jusqu’en 1992 d’avoir des personnes homosexuel­les dans ses rangs.

D’ailleurs, le chef d’état-major, le général Jonathan Vance et de nombreux autres hauts gradés des FAC seront présents lors des excuses du premier ministre Trudeau.

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DIANE PITRE Ex-militaire

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