« Cette purge a détruit des vies »
Des victimes de la « guerre contre les gais » du fédéral se réjouissent des excuses prévues cette semaine
OTTAWA | D’anciens militaires et employés fédéraux qui ont été sauvagement expulsés de la fonction publique dans le cadre de purges des personnes LGBT des années 1980 n’en reviennent pas qu’ils recevront finalement des excuses… près de 40 ans plus tard.
« J’ai de la misère à y croire, que ça va finalement arriver après 33 ans d’attente interminable. J’avais perdu tout espoir qu’on admette l’enfer qu’on a fait vivre aux personnes LGBT (lesbiennes, gaies, bisexuelles, transsexuelles et transgenres) », s’exclame Martine Roy, ancienne assistante médicale militaire expulsée des Forces armées canadiennes parce qu’elle est lesbienne.
Le premier ministre Justin Trudeau prendra la parole mardi à Ottawa devant des victimes de la « guerre contre les gais ». Il va leur présenter des excuses formelles pour « le traitement injuste dont ils ont été victimes en raison des lois, des politiques et des programmes fédéraux », selon une invitation envoyée aux victimes connues.
À partir des années 1950 et jusqu’à 1992, le fédéral a renvoyé des milliers de fonc- tionnaires et militaires dont ils doutaient de l’hétérosexualité. Non seulement est-ce que l’homosexualité était illégale jusqu’à une certaine époque, mais Ottawa considérait que ces personnes étaient à risque de se faire influencer ou d’être victimes de chantage par des gouvernements étrangers.
La GRC et des enquêteurs spécialisés au sein des forces armées avaient mené une traque jugée sauvage auprès des personnes qu’on soupçonnait être homosexuelles.
SON RÊVE ENVOLÉ
Dans le cas de Mme Roy, son rêve de travailler toute sa vie au sein des FAC a été coupé court près de deux ans après son entrée en poste en 1983, à l’âge de 19 ans. C’est à ce moment-là que les membres d’une unité spéciale de la police militaire ont commencé à se douter qu’elle était lesbienne. Ils l’ont interrogée sans merci pour la pousser à révéler son homosexualité et celles d’autres militaires.
Après son expulsion des forces, la Montréalaise dit être tombée dans le tourment de la drogue et de la dépression. Ce n’est que 10 ans plus tard qu’elle a réussi à s’en remettre un peu. « Cette purge a détruit des vies et a poussé des gens que je connais au suicide », dit Mme Roy émue.