Des politiciens s’en sont mis plein les poches, selon Duchesneau
Notre Bureau d’enquête a mis la main sur le fameux rapport secret qu’il a déposé à la commission Charbonneau
« CE QU’ON PENSE, C’EST QUE CERTAINS POLITICIENS ONT PLUS BESOIN DES ENTREPRENEURS QUE LES ENTREPRENEURS ONT BESOIN DES POLITICIENS »
Des politiciens sans scrupules s’en sont mis plein les poches durant des années au Québec, selon le fameux rapport de Jacques Duchesneau qui devait rester secret pendant 100 ans et dont notre Bureau d’enquête a réussi à obtenir une copie.
Le système de financement politique illégal a été mis en place par les partis eux-mêmes, plutôt que par les firmes de génie-conseil et de construction, selon le rapport.
En d’autres mots, ce sont les politiciens qui demandaient de l’argent pour leur caisse contre des contrats.
Pire encore, la majorité des sommes récoltées aurait servi non pas à faire des élections, mais bien à enrichir personnellement des individus proches du pouvoir, allègue l’ex-chef de police dans ce document explosif de 57 pages.
Jacques Duchesneau se basait sur ce rapport pour affirmer sous serment à la commission Charbonneau, en 2012, que 70 % de l’argent amassé par les partis était illégal.
Il a remis son document à la juge Charbonneau, mais son contenu n’a jamais été dévoilé, tout comme une grande partie de la preuve amassée par la commission.
Dans ce rapport intitulé L’influence est à louer – Les décisions sont à vendre, Jacques Duchesneau présente une foule de constats, de témoignages et d’hypothèses. Il nomme sans détour des entrepreneurs, des politiciens, des professionnels.
Notre Bureau d’enquête publie aujourd’hui seulement les noms de gens visés par des allégations vérifiables ou documentées autrement.
« CULTURE ÉHONTÉE »
« Les sources déterminantes que nous avons rencontrées nous l’ont confirmé : il y a une culture éhontée de pots-de-vin dans le financement des partis politiques qui contamine complètement les municipalités et le niveau provincial », écrit celui qui a tour à tour été chef de la police de Montréal, directeur de la défunte Unité anticollusion (UAC) et député pour la CAQ.
« On nous rapporte que des organisateurs de partis politiques passeraient des “commandes” aux firmes de génie-conseil et aux entreprises de construction pour obtenir les sommes d’argent souhaitées. En retour, ils leur offriraient des contrats lucratifs. On fait face à une scandaleuse affaire politico-financière », poursuit Jacques Duchesneau.
CRAINTES POUR LEUR VIE
En fait, la fraude dépasserait le cadre des élections.
« Les sommes d’argent recueillies par les organisateurs seraient réparties ainsi : environ 1/3 aux caisses des partis et 2/3 pour les gens au courant des stratagèmes et pour les proches de divers politiciens aux commandes du pouvoir », peut-on lire.
L’ex-chef de la police de Montréal dit s’appuyer sur 13 sources, dont il cache l’identité, et qu’il désigne dans son rapport avec des noms de code comme « Albatros », « Pietro », « Dolby21 » et « Salomon ».
« Tous, sans exception, nous ont dit craindre pour leur vie », précise-t-il dans son rapport.
Duchesneau indique toutefois que son document « s’appuie sur des preuves suffisantes et non des preuves hors de tout doute raisonnable », et que « chaque personne dont le nom se retrouve dans ce rapport est présumée innocente jusqu’à preuve du contraire ».
Le rapport de Jacques Duchesneau décrit les observations qu’il a faites en 2012, soit avant un resserrement massif des règles de financement des partis politiques.
– Extrait du rapport secret de Jacques Duchesneau