Dans les coulisses de la DPJ
Faute d’obtenir un jour une commission d’enquête sur la Direction de la protection de la jeunesse, le documentaire DPJ du cinéaste Guillaume Sylvestre ouvre les portes de l’arrière-scène d’un organisme qu’on aime critiquer, mais qui est plus que jamais essentiel, quand on y pense.
Quand j’ai eu vent du projet, je ne croyais pas que la DPJ permettrait à une caméra de suivre pendant un an des travailleurs sociaux et des familles en difficulté. Mais Guillaume Sylvestre n’est pas un documentariste comme les autres. Il n’a pas d’opinions à vendre. Son point de vue, c’est l’image.
L’honnêteté intellectuelle de Secondaire 5, un précédent documentaire qui montrait, sans filtre, le quotidien des finissants de l’école Paul-gérin-lajoie d’outremont, a peut-être eu raison de leurs craintes. Il a donc réussi à pénétrer dans les coulisses de la DPJ sans concéder un droit de regard sur le montage.
OEUVRE RARE
Il fallait que ce film soit réalisé un jour, mais pas n’importe comment. Ou par n’importe qui. Un tel sujet requiert une main de maître et un rare degré d’intelligence émotionnelle.
Il n’y a ni commentaire ni musique. L’identité des enfants et des familles est protégée en tout temps, sans que cela rende le visionnement pénible. Un tour de force technique.
Dès la première minute, et pendant deux heures, le spectateur côtoie des enfants et des adolescents victimes de la vie et de parents inadéquats ainsi que des adultes souffrant de toxicomanie et de maladie mentale ou dénués de gros bon sens au point de ne pas comprendre qu’ils négligent leurs enfants.
Peut-on imaginer un bébé de 18 mois avec un poignet cassé laissé sans soins pendant plusieurs jours ?
Des histoires déchirantes – comment rester de glace devant une mère toxicomane en train de signer les papiers nécessaires pour donner son enfant en adoption « parce que c’est mieux pour lui » –, qui parfois ne se terminent pas si mal, vu les circonstances, ou qui, au contraire, nous entraînent dans les bas-fonds de la détresse humaine.
On voudrait serrer les enfants sur l’écran dans nos bras et leur promettre que tout ira bien, mais comme cela est impossible, on reste là, tétanisés, en pleurs, mais grandis.
UN SERVICE ESSENTIEL
La DPJ a mauvaise presse. On l’accuse de retirer les enfants pour des pacotilles. Il y a des dérapages, parfois mortels, mais le documentaire révèle l’engagement et l’humanité de travailleurs sociaux qu’on voudrait aussi prendre dans nos bras pour leur dire merci.
Ils sont tout simplement stupéfiants.
Par contre, l’image que ce film nous renvoie d’une tranche de la société québécoise – on parle de 22 000 signalements retenus par année, soit 22 000 nuances de gris – est peu glorieuse. Les drogues dures, le crystal meth surtout, font des ravages.
La maltraitance a toujours existé – après tout, nous sommes la patrie d’aurore, l’enfant martyre –, mais comment se fait-il en 2017, dans une société riche comme la nôtre, qu’autant d’enfants souffrent à ce point ?
Il faudrait mettre un documentariste doué là-dessus.
DPJ sera présenté dès le 1er décembre à la Cinémathèque québécoise (Montréal), au cinéma Le Clap (Québec) et à la Maison du cinéma (Sherbrooke).