Une enseignante atypique
Quand les étudiants parlent pendant son exposé, elle est sans doute celle que cela dérange le moins. Mais son interprète est là pour lui faire un signe : la classe est trop bruyante. Véronique Leduc est sourde et professeure d’université, une première au Québec.
À l’écouter donner son cours à L’UQAM, on ne pourrait pas soupçonner qu’elle a une surdité de degré moyen à sévère.
Jusqu’à ce qu’un étudiant lève la main. C’est alors qu’entre en scène Geneviève Bujold, son interprète, qui traduit toutes les questions en langue des signes.
Véronique Leduc, 34 ans, entend les sons de façon atténuée. Elle peut déceler les voyelles, mais pas les consonnes. Presque toute sa vie, elle s’est donc débrouillée pour comprendre ce qu’on lui disait en lisant sur les lèvres.
Docteure en communication et maître en travail social, elle a été chargée de cours dans plusieurs universités.
Mais elle n’avait alors pas accès aux services d’un interprète pour comprendre les questions des étudiants et devait se rabattre sur la lecture labiale.
« Je n’avais juste plus de jus pour faire le lien entre les différentes questions », se souvient-elle.
« FASCINANTE »
Aujourd’hui, l’enseignement de Mme Leduc semble bien rodé. La complicité est palpable entre elle et son interprète, dont le salaire est payé par le gouvernement du Québec, non par L’UQAM.
Dans son bureau, l’enseignante dispose d’une lumière qui s’allume lorsque quelqu’un sonne à la porte.
« Je la trouve fascinante et inspirante », s’exclame l’étudiante Claudia De Ruis- seau-martinet pendant la pause.
Plusieurs étudiants du cours ont avoué que la surdité de Mme Leduc ne changeait finalement pas grand-chose… mis à part le contenu, qu’elle parsème de notions sur l’histoire et la condition des sourds.
Par exemple, elle ne manque pas de souligner la surdité de Thomas Edison, inventeur du phonographe.
OBLIGÉS DE REGARDER
En fin de cours, elle présente une vidéo où il n’y a presque aucun son, qu’elle a elle-même réalisée dans le cadre de sa thèse de doctorat.
Les intervenants parlent en langue des signes et des bulles avec sous-titres apparaissent.
Les étudiants réalisent alors que c’est à leur tour d’être obligés de regarder pour comprendre. Impossible de jouer sur son téléphone pendant le visionnement.