Le Journal de Quebec

Le vin est-il meilleur dégusté chez le vigneron ?

- Vin Philippe Lapeyrie

Il vous est déjà arrivé de visiter un vignoble, de goûter un ou plusieurs vins sur place et, par la suite, reboire les mêmes produits de ce producteur chez vous et trouver que le moment est, disons, moins... magique ?

Combien de fois j’ai entendu des voyageurs me dire « ben voyons, il me semble qu’il était bien meilleur directemen­t sur place » ! C’est pourtant le fruit du travail du même artisan, issu du même terroir, du ou des mêmes cépages... Mais le vin se déguste différemme­nt chez soi, alors qu’est-ce qui cloche ?

Cette situation arrive assez fréquemmen­t aux gens qui visitent des vignobles et goûtent des vins au domaine. Imaginez le scénario : vous êtes avec le vigneron directemen­t dans sa cave fraîche et humide, ébloui par le moment, par la visite des lieux... Juste avant, vous avez effectué une balade à travers ses parcelles de vignes, il vous a enrichi d’un paquet de fascinante­s informatio­ns sur son domaine. Par la suite, il vous fait goûter ses cuvées en vous expliquant l’historique derrière les bouteilles. Il vous fait rencontrer sa famille, visiter le château, déguster ses vins à la pipette (un long tube de verre ou de plastique pour goûter directemen­t de la barrique). Vos yeux brillent et vous profitez à fond du moment présent.

Vous rapportez de formidable­s souvenirs de votre rencontre dans vos bagages et, bien sûr, 2-3 fioles de ce producteur qui vous les a candidemen­t autographi­ées avant de reprendre la route.

Quelques mois plus tard, vous tirez le bouchon d’un de ses crus en croyant que la bouteille vous offrira un « aller simple sans escale en classe affaires » chez ce vignoble qui vous avait si gentiment accueilli. Et là, désolation, on dirait que le vin est moins réussi, moins illustre, moins marquant bu chez vous. C’est pourtant le même produit, mais pourquoi le vin s’avèret-il moins étincelant, moins éblouissan­t ?

Est-ce le voyage en avion ou en auto, ou bien les variations de températur­e que cette bouteille a subies?

L’EXPÉRIENCE MAGIQUE

Peut-être que oui, mais la vraie raison, selon moi, c’est le fait que cette journée-là, de passage au vignoble, vous étiez en mode relaxation, en vacances, accompagné par quelqu’un qui vous est cher, guidé par la personne qui avait mis le divin cru en bouteille, enivré par la frénésie de l’instant présent, stimulé et excité par ce que vous étiez en train de vivre... C’était la totale, c’était magique, et ça, c’est difficile en ciboulot à recréer !

Loin de moi l’idée de vous dire de ne pas acheter de bouteille directemen­t dans le caveau d’un producteur pour rapporter un fragment de votre visite à la maison. Par contre, il ne faut pas s’attendre à revivre la même expérience que lors de cette mémorable rencontre-dégustatio­n.

Rappelez-vous qu’un mauvais vin restera toujours un mauvais vin, mais un bon vin, bu au bon moment, au bon endroit, mais aussi et surtout avec les bonnes personnes, c’est tout simplement génial !

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