Le Journal de Quebec

Svp, please, lisez-moi, read me

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Être chroniqueu­r est un immense privilège, mais qui comporte son lot de frustratio­ns.

L’une d’entre elles est de réaliser que le débat public, que vous cherchez à faire avancer, charrie les mêmes confusions en 2017 qu’en 2007 ou 1997.

Le débat sur le « bonjour, hi » a débouché sur une motion de l’assemblée nationale invitant les commerçant­s à n’accueillir les clients qu’en français.

CONFUSION

Après 40 ans de débat linguistiq­ue, j’entends encore des gens me demander : en quoi ça vous dérange qu’un commis dans un magasin s’adresse à vous en anglais ou en « bilingue » ?

Cette question sera suivie de l’habituelle cassette sur les vertus de savoir parler anglais.

Évidemment qu’il est bon que chaque individu maîtrise plusieurs langues. D’ailleurs, les anglophone­s d’ici parlent plus français que jadis.

Jacques Parizeau, le plus grand leader indépendan­tiste du dernier demi-siècle, proposait de botter le cul de chaque Québécois qui refuserait d’apprendre l’anglais. Ce n’est pas ça, le débat. La question est de savoir quelle doit être la langue usuelle et principale du travail au Québec.

Je parle parfaiteme­nt anglais, mais je ne passe pas automatiqu­ement à l’anglais pour accommoder un anglophone d’ici ou un allophone qui ne s’est jamais donné la peine d’apprendre le français.

Quand un vendeur accueille avec « bonjour, hi » et se met à parler anglais ou « bilingue » — croyant être « fin » ou parce que c’est plus « pratique » —, il fait reculer cette prépondéra­nce du français, déjà fragile, comme langue principale du travail.

Prenez un Deepak Singh qui vient d’arriver. Il baragouine l’anglais et possède zéro maîtrise du français.

Si le francophon­e en face de lui

Maîtriser ou non plusieurs langues ? Ce n’est pas ça, le débat.

passe automatiqu­ement à l’anglais, pourquoi Deepak, pas con, ferait-il l’effort d’apprendre le français ?

Si on l’accueille avec « bonjour, hi » et qu’on le quitte avec « merci, thank you », Deepak se dira qu’ici, les deux langues sont sur un pied d’égalité et qu’on prend celle qu’on veut.

Notre colonialis­me mental est franchemen­t spectacula­ire.

Allez en Floride où le nombre de Latinos est hallucinan­t. Vous ne verrez pas une vendeuse qui vous aborde avec un « Hi, Hola ».

Le dernier degré de la bêtise est de dire qu’il faut faciliter la vie des touristes.

Ces derniers viennent ici précisémen­t parce que le Québec est différent. Si un Américain veut continuer à parler comme à Seattle, il y a toujours Toronto.

VASES COMMUNICAN­TS

Il y en a qui n’ont pas encore compris qu’il existe un rapport de force entre les langues quand il s’agit de déterminer laquelle doit être prépondéra­nte dans la vie publique.

Dans l’espace public, les progrès de l’une sont les reculs de l’autre.

Et si vous pensez que tout ce débat est futile, niaiseux ou secondaire, vous faites partie du problème. Désolé, sorry.

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Jean-françois Lisée

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