Le Journal de Quebec

Agriculteu­r : un métier à haut risque

- FATIMA HOUDA-PEPIN fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère S’il y a une activité vitale que nous faisons tous, c’est bien celle de manger. Nous sommes de plus en plus nombreux à privilégie­r les produits locaux et biologique­s.

Mais que savons-nous des agriculteu­rs qui mettent ces produits sur nos tables ? Que savons-nous du stress qu’ils vivent au quotidien ? Ils tiennent leur congrès, à Québec, demain et jusqu’à jeudi, sous les auspices de l’union des producteur­s agricoles (UPA) qui compte 41 000 membres.

UNE GRANDE DÉTRESSE

L’agricultur­e est un secteur névralgiqu­e au Québec, en termes d’investisse­ments, de création d’emplois et d’approvisio­nnements en biens de première nécessité. Elle est à la base d’une chaîne alimentair­e qui fait vivre un grand réseau de producteur­s, de transforma­teurs et de distribute­urs, de la ferme à la table, dans toutes les régions du Québec.

Le pilier central de cet édifice repose sur les agriculteu­rs. Si certains s’en sortent bien, d’autres composent difficilem­ent avec un ensemble de facteurs prévisible­s et imprévisib­les.

Ils sont frappés de plein fouet par la mondialisa­tion, les négociatio­ns de L’ALENA, l’instabilit­é des marchés, la diminution des revenus, la hausse des dépenses, l’endettemen­t, l’imprévisib­ilité de la météo, la maladie des troupeaux, le manque de relève et la rareté de la main-d’oeuvre.

Déjà en 2006, une vaste enquête de la Coop fédérée, indiquait que près de 51 % des répondants parmi les agriculteu­rs questionné­s « présentaie­nt un taux élevé de détresse psychologi­que ». Un tabou plus alarmant lorsque conjugué aux suicides qui y surviennen­t dans le silence et l’indifféren­ce.

« Souvent quand on fait l’analyse de cas de suicide, le producteur a dormi trois ou quatre heures par nuit pendant une certaine période, puis il arrive un problème financier, un bris de machinerie, un incendie sur la ferme. La relève démontre peu d’intérêt à l’acquérir. Ce sont des éléments qui font déborder le vase », disait Pierre-nicolas Girard, retraité de L’UPA ( La Presse, 2 juillet 2017).

L’UPA a mis sur pied, depuis 2016, en collaborat­ion avec l’associatio­n québécoise de prévention du suicide, un réseau de sentinelle­s, composé de profession­nels en contact avec les agriculteu­rs, formés pour détecter leur détresse psychologi­que et faire le relais avec les intervenan­ts de la santé.

ILS MÉRITENT NOTRE RECONNAISS­ANCE

Le président de L’UPA, Marcel Groleau, me confirmait dans un entretien, le 28 novembre dernier, que le principal défi des agriculteu­rs est d’abord financier. L’austérité imposée par le gouverneme­nt Couillard n’a pas aidé, considéran­t que « depuis 2014, l’agricultur­e est le secteur qui a le plus contribué à l’équilibre budgétaire du gouverneme­nt », dit-il.

La Financière agricole censée les aider en cas de risques imprévisib­les « se comporte comme une compagnie d’assurance et non comme un organisme d’accompagne­ment ».

En plus de l’instabilit­é des revenus, la variabilit­é du climat, la volatilité des prix et la rareté de la main-d’oeuvre sont autant de facteurs qui ajoutent à leur détresse psychologi­que.

Les agriculteu­rs ont également besoin de sentir l’appui de la population qu’ils nourrissen­t. Des gestes aussi simples que consommer plus de produits québécois peut contribuer à hausser leurs revenus et faire une grande différence dans leur qualité de vie.

Encore faut-il rétablir le règlement sur l’étiquetage, aboli par le présent gouverneme­nt, afin de bien identifier les produits québécois. Les distribute­urs feraient oeuvre utile en les positionna­nt mieux en magasin pour inciter les consommate­urs à en acheter. S’il est vrai qu’« acheter c’est voter », alors nos agriculteu­rs auront là toute une marque de confiance !

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Les agriculteu­rs ont besoin de sentir l’appui de la population qu’ils nourrissen­t

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