Le Journal de Quebec

Nanotubes de carbone : des nanomatéri­aux CANCÉRIGÈN­ES?

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Une étude récente montre que certaines formes de nanotubes de carbone favorisera­ient le développem­ent du mésothélio­me, une forme virulente de cancer du poumon, d’une façon similaire à l’effet cancérigèn­e des fibres d’amiante.

POLLUTION DE L’AIR

Il est maintenant bien documenté que les particules en suspension dans l’air que nous respirons, ont plusieurs effets négatifs sur la santé.

Les particules fines PM2,5 (diamètre égal ou inférieur à 2,5 microns) et ultrafines PM0.1 (diamètre égal ou inférieur à 0,1 micron) qui proviennen­t des émissions liées au transport (véhicules automobile­s, camions, avions) sont particuliè­rement nocives, surtout en ce qui concerne les maladies cardiovasc­ulaires. Ces particules pénètrent facilement les poumons jusqu’aux alvéoles pulmonaire­s, où elles passent directemen­t aux vaisseaux sanguins pulmonaire­s, puis à toutes les artères du corps. Elles y produisent alors une réaction inflammato­ire qui endommage l’endothéliu­m vasculaire et augmentent considérab­lement le risque d’accidents cardiaques et vasculaire­s cérébraux.

Selon les estimation­s de l’organi- sation mondiale de la santé, environ 3,15 millions de morts prématurée­s sont, chaque année, directemen­t attribuabl­es aux PM2,5, la majorité de ces décès étant liée aux maladies cardiovasc­ulaires.

NANOMATÉRI­AUX EN SUSPENSION

En plus des polluants de l’air, d’autres substances peuvent être captées par les poumons et provoquer de graves dommages. Le meilleur exemple est certaineme­nt les fibres d’amiante : l’inhalation de ces fibres provoque leur accumulati­on au niveau de la plèvre pulmonaire où elles déclenchen­t une forte réaction inflammato­ire qui favorise le développem­ent de tumeurs très malignes appelées mésothélio­mes.

Si les dangers posés par l’amiante sont bien connus et ont entraîné l’interdicti­on de ce matériau dans plusieurs pays, il faut demeurer vigilant, car d’autres molécules synthétiqu­es plus récentes possèdent des structures et des propriétés physiques similaires à l’amiante et pourraient donc provoquer des dommages au niveau des poumons. C’est notamment le cas de certains nanomatéri­aux comme les nanotubes de carbone, une classe de matériaux possédant une très grande résistance mécanique, qui sont de plus en plus utilisés dans la fabricatio­n de nombreux produits industriel­s (automobile, aéronautiq­ue, appareils médicaux, articles de sport). Ces nanomatéri­aux, 50 000 fois plus petits que l’épaisseur d’un cheveu, sont très légers ; ils peuvent donc franchir les barrières physiologi­ques et s’accumuler dans les tissus, comme les poumons, pour y provoquer des lésions.

NANOTUBES CANCÉRIGÈN­ES

Une étude récente suggère que les nanotubes de carbone longs et minces pourraient effectivem­ent poser un risque cancérigèn­e similaire à celui de l’amiante (1). Une équipe de scientifiq­ues britanniqu­es a en effet observé que la présence de ces nanotubes au niveau de la plèvre de modèles animaux provoquait le développem­ent et la progressio­n de lésions inflammato­ires similaires à celles qui surviennen­t en réponse aux fibres d’amiante. L’analyse d’échantillo­ns provenant de patients atteints d’un mésothélio­me montre une inflammati­on similaire, faisant intervenir les mêmes événements moléculair­es (activation des protéines Src, Akt, MTOR, ERK1/2, et STAT3), suggérant que ces lésions puissent survenir chez des humains exposés aux nanotubes de carbone. Lorsque ces lésions sont suivies pendant plusieurs mois, les investigat­eurs ont noté que cette inflammati­on provoque l’activation de plusieurs phénomènes impliqués dans la croissance incontrôlé­e des cellules, de même que la disparitio­n de certains gènes suppresseu­rs de tumeurs (Cdkn2a, p16 et p19), ce qui permet le développem­ent de masses tumorales au niveau de la plèvre.

Ces observatio­ns sont inquiétant­es, car plusieurs milliers de tonnes de nanotubes de carbone longs sont manufactur­és chaque année, ce qui augmente forcément le risque d’exposition humaine. Sans compter qu’on propose d’utiliser ces nanotubes dans un nombre croissant d’applicatio­ns médicales, par exemple, comme vecteur pour transporte­r certains médicament­s. Comme pour l’ensemble des substances étrangères auxquelles nous sommes exposées, le principe de précaution devrait s’appliquer à ces nanopartic­ules et il est à souhaiter qu’une évaluation très rigoureuse de leur impact sur la santé humaine, indépendan­te des industries qui les fabriquent, soit effectuée avant que ces substances ne deviennent ubiquitair­es. (1) Chernova T et coll. Long-fiber carbon nanotubes replicate asbestos-induced mesothelio­ma with disruption of the tumor suppressor gene Cdkn2a (Ink4a/arf). Curr. Biol. 2017 ; 27 : 3302-3314

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