Le Journal de Quebec

Le consuméris­me qui dégrade tout

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal

Noël s’en vient. Dans dix jours, on se préparera pour le réveillon.

C’est une belle fête, peut-être la plus belle qui soit, qui nous connecte aux origines de notre civilisati­on. Elles nous sont rappelées par des chants populaires racontant l’histoire de l’humanité sauvée à partir d’une étable à Bethléem.

C’est aussi la fête de douce mélancolie, quand on avance en âge, à la fois parce qu’on a le souvenir de l’enfance émerveillé­e, mais aussi parce qu’on voit disparaîtr­e peu à peu ceux qui, depuis toujours, étaient associés aux réjouissan­ces familiales.

NOËL

Et pourtant, cette belle fête s’accompagne chaque année d’un certain malaise devant son recyclage consuméris­te.

La publicité massive, qui est une forme d’agression psychologi­que à temps plein contre ceux qui la subissent, en est le symptôme.

Son message est simple à décoder : Noël ne doit pas être qu’un banquet, mais une orgie consommatr­ice. C’est ainsi, apparemmen­t, que l’on comblera nos proches, qu’on leur démontrera notre amour.

On nous dira que ce malaise est désormais convenu. Que c’est même la posture que se donnent les moralisa- teurs d’aujourd’hui pour faire la leçon à ceux qui savent jouir de la vie.

N’y a-t-il pas grand bonheur à donner et recevoir ? Cela va de soi et personne n’est vraiment nostalgiqu­e des bas de Noël où on trouvait une orange et un soldat de bois.

L’abondance n’est pas une malédictio­n et on ne gâchera pas son bonheur de voir le regard émerveillé d’un être aimé à qui on parvient vraiment à faire plaisir.

Mais l’enjeu n’est pas là. Il se trouve plutôt dans la réduction du bonheur à la consommati­on compulsive qui nous pousse comme des automates dans les magasins comme si nous étions condamnés à nous y retrouver en troupeau.

Souvent, on cherche moins le cadeau qui touchera le coeur qu’on décide de les accumuler, de peur de décevoir s’ils ne sont pas assez nombreux, de peur de passer soi-même pour insuffisam­ment généreux.

C’est à ce moment qu’on comprend à quel point le capitalism­e domine nos conscience­s.

Une civilisati­on digne de ce nom, loin de se soumettre à l’injonction publicitai­re, nous apprend à y résister.

Voyons plus largement. Combien sont-ils à chercher à remplir leur vide existentie­l en se soumettant au principe de l’achat à répétition ? Combien en sont venus à se jeter dans la consommati­on en espérant trouver là le sens qui manque à leur vie ?

DONNER

Il nous faudrait réapprendr­e à vivre autrement. Les plaisirs de la table, de la balade, de la lecture, du silence, de la musique, du sport ne sont certaineme­nt pas gratuits : ils sont néanmoins d’une autre nature que la consommati­on programmée.

Les fêtes de Noël nous ouvrent à la part la plus noble et lumineuse de l’âme humaine : le plaisir de donner, de semer le bonheur autour de soi. Il serait bien que cette part ne soit pas dénaturée par l’argent qui, mal utilisé, peut tout souiller.

 ??  ??
 ??  ?? Il faudrait réapprendr­e à vivre autrement.
Il faudrait réapprendr­e à vivre autrement.

Newspapers in French

Newspapers from Canada