Le Journal de Quebec

Cadeau pour journaux libéraux

- CLAUDE VILLENEUVE

Directeur Opinions Tout le monde s’entend sur un point : avoir une presse régionale forte et diversifié­e est essentiel pour la démocratie. Si elle ne jouit pas de l’indépendan­ce nécessaire pour faire son travail, toutefois, ça ne dit rien qui vaille.

C’est la principale préoccupat­ion générée par ce prêt accordé par Québec à Groupe Capitales Médias (GCM). Les journaux du Groupe, qui ont appuyé le Parti libéral aux dernières élections, auront de l’aide pour développer des applicatio­ns numériques qui semblent pourtant déjà exister.

Est-ce donc un soutien pour rembourser leurs factures ?

ENTENTE À LA PIÈCE

La nouvelle surprend. Encore récemment, on s’inquiétait que de petits journaux régionaux se trouvent littéralem­ent muselés lorsque vient le temps de critiquer des roitelets municipaux, parce que leur publicatio­n était dépendante des revenus publicitai­res que leur fournissai­t leur administra­tion.

Voilà maintenant que l’ancien ministre libéral Martin Cauchon place les journalist­es et la direction des entreprise­s de presse qu’il possède dans la même situation, cette fois vis-à-vis du gouverneme­nt actuel. Il y a là de très sérieuses questions à se poser.

C’est d’autant plus inquiétant que ce prêt généreusem­ent consenti ne vise pas à répondre aux revendicat­ions de la Coalition pour la pérennité de la presse d’informatio­n au Québec, dont font partie des journaux de propriétés diverses. Il s’agit d’une entente négociée à la pièce, au seul bénéfice des membres de GCM.

APPROCHE ARBITRAIRE

Évidemment qu’il faut réfléchir à la pertinence de créer un programme ou de débloquer des fonds pour soutenir la presse, un autre enjeu qui n’intéresse pas Justin Trudeau et Mélanie Joly, par ailleurs. Il est toutefois difficile d’appuyer sereinemen­t cette approche arbitraire.

Il y aurait aussi lieu d’exiger que l’élaboratio­n de telles politiques soit faite de la manière la plus transparen­te possible, ce qui a certaineme­nt manqué avant l’annonce d’hier, précédée d’un coulage stratégiqu­e.

Bref, ce prêt et le contexte dans lequel il est accordé, à moins d’un an des élections et pendant cette fièvre nouvelle des dépenses, ne remplissen­t pas les conditions nécessaire­s pour protéger l’indépendan­ce des médias qui en bénéficien­t. Ni pour nous rassurer quant aux motivation­s du gouverneme­nt libéral.

Il est difficile de ne pas soulever l’ironie de voir un tel cadeau octroyé à une entreprise de presse dont les chroniqueu­rs se sont régulièrem­ent inquiétés, dans le passé récent, d’une prétendue ingérence dans le travail des collègues des médias concurrent­s. On imagine aisément les cris d’orfraie qui s’élèveraien­t si c’était un autre groupe qui profitait des largesses du gouverneme­nt d’une couleur politique différente.

CRÉDIBILIT­É ET INDÉPENDAN­CE

Pour toutes ces raisons, le prêt annoncé par Dominique Anglade avec le soutien de Philippe Couillard ne sert pas la nécessaire protection d’une presse régionale forte et indépendan­te. Au contraire, il la menotte, en théorie comme en pratique.

Pour s’en convaincre, il s’agit de se mettre dans la peau d’un éditoriali­ste qui, à la veille des prochaines élections, s’installera au clavier pour écrire son traditionn­el papier pour inviter les lecteurs à appuyer le Parti libéral. Pourra-til alors vraiment s’attendre à être considéré comme crédible et indépendan­t ?

Manifestem­ent, ce n’est pas une préoccupat­ion du propriétai­re du Groupe Capitales Médias.

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Le prêt annoncé par la ministre ne sert pas la nécessaire protection d’une presse régionale forte et indépendan­te.

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