Le Journal de Quebec

Agriculteu­rs debout face aux gazières

Ils demandent le retrait des permis d’exploratio­n gaziers et pétroliers sur leurs terres partout au Québec

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Inquiets de perdre leur gagne-pain aux mains de l’industrie pétrolière et gazière, les agriculteu­rs réclament en bloc l’annulation de tous les permis d’exploratio­n d’hydrocarbu­res sur leurs terres, partout au Québec.

La résolution a été adoptée à l’unanimité au congrès annuel de l’union des producteur­s agricoles (UPA).

Comme un seul homme, plus de 300 délégués se sont levés pour demander au gouverneme­nt « de retirer les droits souterrain­s ( claims) accordés aux compagnies pétrolière­s » que prévoit la Loi sur les hydrocarbu­res.

« Si cette loi entre en vigueur sans que le gouverneme­nt ait retiré les permis sur nos terres, nous ne serons plus maîtres chez nous. C’est très grave », gronde Denis Paquet, producteur laitier.

Québec a déposé en septembre quatre projets de règlements associés à la Loi sur les hydrocarbu­res, qui ont été soumis à une consultati­on publique. Leur adoption donnera le feu vert à l’entrée en vigueur de la loi.

« Les gens ne sont pas au courant que leurs terrains sont “claimés”, mais tout ce qui suit le Saint-laurent jusqu’à Rivièredu-loup, c’est “claimé” », prévient Isabelle Bouffard, de L’UPA.

Les compagnies détiennent ainsi des droits immobilier­s sur le sous-sol de 53 000 km2 du territoire québécois, calcule le Regroupeme­nt vigilance hydrocarbu­res Québec. Grâce à ces permis acquis pour 10 ¢ l’hectare, les entreprise­s peuvent explorer le sous-sol sans demander la permission à personne.

EXPROPRIAT­IONS

Et, si elles mettent la main sur un gisement, elles pourront exproprier le propriétai­re s’il refuse de leur céder son terrain.

Les agriculteu­rs seront les premiers visés, selon Mme Bouffard : « Les claims sont majoritair­ement en zone agricole. Si l’exploitati­on doit se faire, c’est chez nous que ça va se passer, pas en ville. »

Chez M. Paquet, à Sainte-croix, dans Lotbinière, c’est la compagnie albertaine Questerre, partenaire de la multinatio­nale espagnole Repsol, qui lorgne le sous-sol.

Elle y prévoit un projet-pilote d’exploitati­on de gaz de schiste, ce qui impliquera­it l’injection de sable, d’eau et de produits chimiques à haute pression dans le roc pour en extraire la ressource.

« Il y a des risques de contaminat­ion de notre eau potable dans le futur, pour nous et nos élevages », craint M. Paquet.

En 2014, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent a indiqué que les produits chimiques injectés dans le roc pour le fracturer peuvent se disperser jusqu’à 600 m dans le sol, contaminan­t l’eau souterrain­e sur leur passage.

Or, Québec prévoit permettre aux compagnies de faire de la fracturati­on hydrauliqu­e à 400 m des aquifères.

« ON N’A PAS BESOIN DE ÇA »

Rien pour rassurer Solange Lemay, une productric­e de sirop d’érable de Lotbinière qui vient de céder sa ferme laitière à son fils.

« Nous, on fait de l’agricultur­e et on en vit bien depuis quatre génération­s. On n’a pas besoin de ça, les hydrocarbu­res », dit-elle.

L’institut économique de Montréal estime que les agriculteu­rs « ratent une occasion en or » en s’opposant aux forages sur leurs terres, car les compagnies sont prêtes à leur payer des rentes.

Mais la décision de Mme Lemay est sans appel. « On ne va pas céder pour une rente à court terme et “scraper” nos terres pour les génération­s à venir », tranche-t-elle.

 ?? PHOTO STEVENS LEBLANC ?? Denis Paquet, producteur laitier à SainteCroi­x, dans Lotbinière, craint d’être exproprié si la compagnie gazière qui détient des droits sur son sous-sol décide d’y creuser des puits.
PHOTO STEVENS LEBLANC Denis Paquet, producteur laitier à SainteCroi­x, dans Lotbinière, craint d’être exproprié si la compagnie gazière qui détient des droits sur son sous-sol décide d’y creuser des puits.

Newspapers in French

Newspapers from Canada