Agriculteurs debout face aux gazières
Ils demandent le retrait des permis d’exploration gaziers et pétroliers sur leurs terres partout au Québec
Inquiets de perdre leur gagne-pain aux mains de l’industrie pétrolière et gazière, les agriculteurs réclament en bloc l’annulation de tous les permis d’exploration d’hydrocarbures sur leurs terres, partout au Québec.
La résolution a été adoptée à l’unanimité au congrès annuel de l’union des producteurs agricoles (UPA).
Comme un seul homme, plus de 300 délégués se sont levés pour demander au gouvernement « de retirer les droits souterrains ( claims) accordés aux compagnies pétrolières » que prévoit la Loi sur les hydrocarbures.
« Si cette loi entre en vigueur sans que le gouvernement ait retiré les permis sur nos terres, nous ne serons plus maîtres chez nous. C’est très grave », gronde Denis Paquet, producteur laitier.
Québec a déposé en septembre quatre projets de règlements associés à la Loi sur les hydrocarbures, qui ont été soumis à une consultation publique. Leur adoption donnera le feu vert à l’entrée en vigueur de la loi.
« Les gens ne sont pas au courant que leurs terrains sont “claimés”, mais tout ce qui suit le Saint-laurent jusqu’à Rivièredu-loup, c’est “claimé” », prévient Isabelle Bouffard, de L’UPA.
Les compagnies détiennent ainsi des droits immobiliers sur le sous-sol de 53 000 km2 du territoire québécois, calcule le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec. Grâce à ces permis acquis pour 10 ¢ l’hectare, les entreprises peuvent explorer le sous-sol sans demander la permission à personne.
EXPROPRIATIONS
Et, si elles mettent la main sur un gisement, elles pourront exproprier le propriétaire s’il refuse de leur céder son terrain.
Les agriculteurs seront les premiers visés, selon Mme Bouffard : « Les claims sont majoritairement en zone agricole. Si l’exploitation doit se faire, c’est chez nous que ça va se passer, pas en ville. »
Chez M. Paquet, à Sainte-croix, dans Lotbinière, c’est la compagnie albertaine Questerre, partenaire de la multinationale espagnole Repsol, qui lorgne le sous-sol.
Elle y prévoit un projet-pilote d’exploitation de gaz de schiste, ce qui impliquerait l’injection de sable, d’eau et de produits chimiques à haute pression dans le roc pour en extraire la ressource.
« Il y a des risques de contamination de notre eau potable dans le futur, pour nous et nos élevages », craint M. Paquet.
En 2014, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement a indiqué que les produits chimiques injectés dans le roc pour le fracturer peuvent se disperser jusqu’à 600 m dans le sol, contaminant l’eau souterraine sur leur passage.
Or, Québec prévoit permettre aux compagnies de faire de la fracturation hydraulique à 400 m des aquifères.
« ON N’A PAS BESOIN DE ÇA »
Rien pour rassurer Solange Lemay, une productrice de sirop d’érable de Lotbinière qui vient de céder sa ferme laitière à son fils.
« Nous, on fait de l’agriculture et on en vit bien depuis quatre générations. On n’a pas besoin de ça, les hydrocarbures », dit-elle.
L’institut économique de Montréal estime que les agriculteurs « ratent une occasion en or » en s’opposant aux forages sur leurs terres, car les compagnies sont prêtes à leur payer des rentes.
Mais la décision de Mme Lemay est sans appel. « On ne va pas céder pour une rente à court terme et “scraper” nos terres pour les générations à venir », tranche-t-elle.