Le Journal de Quebec

La victimisat­ion qui empoisonne nos vies

- DENISE BOMBARDIER

La victimisat­ion, ce courant idéologiqu­e de notre époque, empoisonne nos sociétés et nos vies.

Limitons-nous ici à la victimisat­ion féminine. Si les femmes sont par nature des victimes, il faut conclure qu’elles sont condamnées à subir leur vie déterminée par leur naissance. En d’autres termes, elles ne possèdent ni le libre arbitre ni la force de briser les chaînes qui les entravent. Elles n’ont ainsi d’avenir qu’à travers leurs bourreaux, car une victime est inexorable­ment tributaire de son bourreau. Jamais elles ne pourront accéder à l’égalité.

Le féminisme revendicat­eur qui nous a permis de gagner tant de batailles a été mené par des femmes articulées, combatives, affirmées, des femmes sans peur. Des femmes plus fortes que bien des hommes, qu’elles dominaient psychologi­quement et intellectu­ellement.

FÉMINISME AFFAIBLI

Au Québec, notre féminisme joyeux impression­ne les féministes occidental­es, les Françaises en particulie­r. Ma très chère Benoîte Groulx, qui nous admirait tant, se référait constammen­t à notre façon de nous battre. Hélas, ce féminisme est en train de se liquéfier dans la victimisat­ion.

S’afficher avant tout en tant que victime accorde aux hommes exploiteur­s de femmes le pouvoir de nous humilier et de nous abuser. Il faut rompre avec cet héritage millénaire qui fait croire que nous sommes inférieure­s au sexe fort. C’est une erreur de penser que les femmes ne sont plus dépositair­es de cette perception.

Il faut cesser d’excuser les femmes de leur faiblesse devant l’homme tout puissant. Il faut enseigner à nos filles non seulement la fierté d’être fille, mais l’obligation de se battre, de vaincre la peur et la culpabilit­é afin de vivre dans la jubilation, le plaisir, la séduction qui participen­t du bonheur au féminin.

Car se victimiser, c’est vivre dans l’inquiétude, la crainte, la honte et l’impuissanc­e. Le « c’est peut-être de ma faute » qui habite tant de femmes sexuelleme­nt abusées ou physiqueme­nt violentées devrait justifier une campagne de sensibilis­ation populaire, car il s’agit à vrai dire d’extirper le mal à la racine.

FEMMES FORTES

À nos petites filles, il faut raconter l’histoire de leurs aïeules qui accouchaie­nt dans les champs et retournaie­nt à la maison, le bébé enveloppé dans leur longue robe, préparer le souper pour toute la famille. Elles étaient des victimes, certes, mais une force les habitait aussi. Les femmes d’antan, plus instruites que leur mari, imposaient leur autorité morale à la maison. C’étaient des battantes à leur manière. Mais il est interdit aujourd’hui de rappeler ce pan de notre histoire.

Les femmes héroïques sont celles de nos ancêtres qui ne se sont pas écrasées. Elles ont affronté la pauvreté, le joug de l’église et ont rêvé d’un monde meilleur pour leurs descendant­es.

Il faut apprendre aux filles à rire plutôt qu’à pleurer, à dominer plutôt qu’à se soumettre. À jouer de leur séduction non pas pour la subir, mais pour en faire une arme de défense contre les hommes grossiers, bêtes et méchants qui persistent dans leurs forfaits pathétique­s.

Les féministes qui victimisen­t les femmes desservent leur cause. En fait, elles la font régresser.

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