Le Journal de Quebec

L’école fourre-tout 2.0

- ANTOINE ROBITAILLE Chef du Bureau d’enquête au parlement de Québec @Ant_robitaille antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

Nous recommenço­ns à surcharger l’école québécoise comme dans les années 1970 et 1980.

Ce sujet sera sans doute absent des bilans politiques de l’année. C’est pourtant une question capitale soulevée par 2017, comme tout ce qui touche à l’école.

Je l’aborde en raison du retour, imposé par le ministre Proulx, de l’éducation à la sexualité (annoncé jeudi) et du cours d’éducation financière (plus tôt cette année).

Quel autre « retour vers le futur » nous prépare-ton dans les prochaines années ? L’économie familiale ? Le « choix de carrière » ?

L’ENFER

Tout cela procède bien sûr de bonnes intentions… dont l’enfer est pavé, comme on le sait.

Et l’enfer, c’est qu’à chaque crise sociale, voire à chaque fièvre médiatique, on a le réflexe de vouloir ajouter une autre tâche, voire un autre cours, à l’école.

Cette année, le tsunami de dénonciati­ons d’inconduite­s, d’agressions et de harcèlemen­t sexuels a évidemment propulsé à l’avantscène cette demande déjà existante de revenir à une éducation à la sexualité obligatoir­e dans toutes les écoles.

Une telle initiative peut bien sûr avoir de bons effets. Mais permettez que je caricature : croit-on vraiment que les Harvey Weinstein, les Gilbert Rozon et compagnie se seraient abstenus de commettre leurs gestes répréhensi­bles s’ils avaient suivi des cours sur la sexualité au secondaire ?

Certains des intervenan­ts dans ce débat donnaient l’impression de le croire !

SURDOSE

Après une épidémie de surdoses de drogues, dans les années 1990, un intervenan­t avait suggéré d’ajouter à l’école un cours sur les drogues.

Aujourd’hui, avec tous les reportages et les débats sur le phénomène de la cyberdépen­dance, gageons que certains prôneront l’ajout d’un cours pour lutter contre ce phénomène.

Répétons-le, il y a là beaucoup de bonnes intentions. On veut régler de réels problèmes sociaux. L’ennui, c’est que l’école n’a pas pour fonction de guérir la société. On prête à Victor Hugo la paternité de cette maxime : « Qui ouvre une école ferme une prison. » La formule est belle, mais elle est totalement utopique, voire erronée, quant à la nature de l’école.

Bien sûr, il n’est pas vain de discuter des problèmes sociaux à l’école. Elle a pour mission de « socialiser ».

Y apprendre des notions d’économie ou de sexologie n’est certaineme­nt pas inutile.

Sauf que sous ce réflexe de bouleverse­r impétueuse­ment, au gré des crises sociales et médiatique­s, le curriculum (l’ensemble des cours donnés à l’école), il y a un réel piège : créer

une école « fourre-tout ».

LES ÉTATS GÉNÉRAUX

Or, au Québec, on a déjà donné ! C’est précisémen­t dans l’espoir de se sortir de l’« école fourre-tout » des années 1970 et 1980 que le gouverneme­nt Parizeau lançait, en 1995, des États généraux sur l’éducation. Les conclusion­s de cet exercice en profondeur furent en grande partie détournées par un courant pédagogiqu­e qui concocta la fameuse réforme par compétence­s du début des années 2000, laquelle a posé plusieurs autres problèmes. La vraie réforme en éducation serait d’en finir avec les réformes. En finir aussi avec le bouleverse­ment continuel des curriculum­s qui dépassent les ajustement­s nécessaire­s. Car avec ces réflexes (réformes et ajouts de cours), on peut en venir à oublier que la première mission de l’école est d’instruire : elle doit apprendre aux jeunes à lire, écrire, compter. Et transmettr­e une bonne culture générale et scientifiq­ue.

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 ??  ?? Le ministre de l’éducation, Sébastien Proulx, a confirmé jeudi que les élèves québécois suivront dès septembre un cours obligatoir­e d’éducation à la sexualité.
Le ministre de l’éducation, Sébastien Proulx, a confirmé jeudi que les élèves québécois suivront dès septembre un cours obligatoir­e d’éducation à la sexualité.

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