Protéger les chiens de garde
Le juge Chamberland a présenté cette semaine le rapport de la commission d’enquête sur la protection et la confidentialité des sources journalistiques. Saluons d’abord l’efficacité avec laquelle ces travaux ont été menés, dénués du spectacle auquel ce genre d’exercice nous a habitués.
Saluons également la diligence avec laquelle le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, avait créé cette commission à la suite de révélations troublantes de surveillance électronique de policiers sur des journalistes. L’ouverture manifestée par le premier ministre Philippe Couillard, désireux de légiférer rapidement pour donner suite au rapport, est également rafraîchissante.
PROPOSITIONS AUDACIEUSES
Car, il faut le dire, certaines des recommandations du juge Chamberland sont plutôt audacieuses. On propose tout d’abord de garantir l’immunité aux journalistes pour protéger la confidentialité de leurs sources. En leur offrant une forme de droit de garder le silence, un langage habituellement propre aux enquêtes criminelles, on inverserait le fardeau de la preuve pour l’institution désireuse de fouiller dans leur matériel d’enquête.
Courageuse, également, l’idée de confier la nomination des directeurs de corps policiers à des comités de sélection indépendants. On pourrait croire que les politiciens rechigneraient à se priver du privilège de choisir leur monde. Le ministre Coiteux a pourtant dit qu’il travaillerait sur cet aspect en priorité.
CHANGEMENT DE CULTURE
Dans l’absolu, ce qu’il faut viser, c’est un changement de culture. En cette ère où les technologies de l’information changent les méthodes d’enquête, en même temps que le public réclame une probité plus poussée, il faut repenser les relations entre le politique, les forces de l’ordre et ce quatrième pouvoir, celui des médias.
Le rapport Chamberland nous offre plusieurs pistes de réflexion, notam- ment quant à l’attitude des policiers, qui ont manqué de connaissances et de sensibilité par rapport aux impératifs des journalistes.
Il n’est toutefois pas anodin de relever qu’au cours des dernières semaines deux des protagonistes des incidents qui ont mené à la tenue d’une commission ont été évincés de leurs fonctions respectives. Pour des raisons qui ont peutêtre plus à voir qu’on voudrait bien le penser avec une certaine manière de concevoir leur rôle, Denis Coderre et Philippe Pichet ont été chacun à leur tour renvoyés chez eux pour réfléchir à leur avenir.
FIDUCIAIRES
Le juge Chamberland se garde bien de blâmer qui que ce soit et il est bien qu’il en soit ainsi. Il faut toutefois rappeler que la meilleure protection que puissent espérer ces chiens de garde de la démocratie que sont les journalistes vient du public.
Les citoyennes et les citoyens sont les premiers bénéficiaires d’une presse libre et indépendante. Ils doivent en être également les gardiens.
À eux maintenant d’exiger que le gouvernement respecte sa parole donnée et donne suite plus rapidement aux conclusions de Jacques Chamberland qu’il ne l’a fait pour les recommandations de la commission Charbonneau.