La grande évasion d’angélique Kidjo
« Si le douanier m’avait dit non, ça aurait été terminé », raconte l’interprète née au Bénin
Parfois, un simple geste, jumelé à un coup de chance, peut changer une vie. Parlez-en à Angélique Kidjo. Sans un extraordinaire concours de circonstances et la complicité d’un douanier, qui lui a permis de fuir son pays en douce, la chanteuse africaine n’aurait certainement pas connu une carrière prolifique qui lui a rapporté trois prix Grammy.
« C’est là que tout a changé. Si le douanier me dit non, ça aurait été terminé », tranche l’artiste du Bénin, assise près d’un feu de foyer à l’auberge Saint-antoine, lors d’un récent passage à Québec.
Pour un Québécois, le récit de l’évasion de Kidjo, qu’elle relate brièvement dans son autobiographie La voix est le miroir de l’âme, n’est pas sans évoquer les passages à l’ouest dignes de romans d’espionnage des joueurs de hockey issus du bloc communiste dans les années 1980 et 1990.
C’est justement en 1983 que Kidjo, âgée de 23 ans, a pris la lourde décision de quitter le Bénin, alors dictature marxiste-léniniste, pour gagner la France et réaliser son rêve de vivre de sa musique.
LE DOUANIER LA CONNAISSAIT
Ce soir-là, Kidjo et son père se rendent à l’aéroport de Cotonou sans l’autorisation de sortie du gouvernement, un document essentiel pour tout Béninois souhaitant voyager et qui lui a été refusé puisqu’elle n’avait pas l’intention de revenir au pays.
Non seulement elle n’a pas ledit papier, mais les postes-frontières sont alors gardés systématiquement par un douanier du nord du pays et un autre du sud, d’où provient Kidjo, « pour qu’ils s’épient les uns et les autres ».
Déterminée, malgré ces obstacles, elle a lancé les dés.
« Il s’est avéré que le douanier (du sud) connaissait mes frères. Il jouait de la musique avec eux. Quand il m’a vue, j’ai eu l’impression qu’il allait avoir une crise cardiaque », se rappelle Angélique Kidjo.
« DISPARAIS »
Non seulement elle est tombée sur un douanier sympathique à sa cause, mais en plus, son confrère, qui lui aurait été hostile, venait de prendre une pause pour aller aux toilettes.
« Il m’a dit : ‘‘Disparais, je ne tamponne pas, tu disparais tout de suite’’. Et j’ai couru, couru, couru. Quand je suis rentrée dans l’avion, mon coeur battait… j’avais l’impression que j’allais mourir. Et qu’est-ce que j’ai fait ? Je me suis rendue à ma place et je me suis mise en boule sur mon siège. Je n’ai pas bougé, ni bu ni mangé, jusqu’à ce que l’avion n’arrive à Paris. J’avais si peur qu’il rebrousse chemin.