TRANSPLANTATION FÉCALE ?
Une étude clinique pilote suggère que la transplantation d’un microbiome intestinal sain permet d’améliorer le métabolisme du glucose chez des hommes obèses atteints d’un syndrome métabolique.
DÉSÉQUILIBRE BACTÉRIEN
Il est maintenant clairement démontré que les centaines de milliards de bactéries qui vivent dans notre intestin, ce qu’on appelle le microbiome intestinal, sont des partenaires indispensables au maintien d’une bonne santé. Ce rôle important est bien illustré par les nombreuses études qui montrent que des déséquilibres dans la composition de ce microbiome participent au développement de nombreuses pathologies, en particulier l’obésité et le diabète de type 2. Par exemple, des souris nées et maintenues en conditions stériles, et qui n’ont donc pas de microbiome intestinal, ne développent pas d’obésité même si elles consomment de grandes quantités de calories. Il est aussi, par ailleurs, possible de faire grossir des souris minces simplement en leur transplantant le microbiome intestinal de souris obèses et, à l’inverse, de stopper le gain de poids de souris obèses en remplaçant leur microbiome par celui de souris minces.
Chez les humains, la comparaison des microbiomes intestinaux provenant de personnes minces et obèses montre des différences notables, en particulier la présence d’un microbiome moins diversifié chez les obèses. Ces observations suggèrent donc que le type de bactéries composant la flore intestinale pourrait influencer le développement de l’obésité et, par conséquent, les désordres métaboliques qui découlent de l’excès de poids (l’hyperglycémie, par exemple).
TRANSPLANTATION FÉCALE
L’importance du microbiome pour le fonctionnement adéquat du métabolisme suggère qu’il serait possible de corriger les désordres métaboliques provoqués par l’obésité en modifiant la composition de microbiome des personnes obèses. La méthode utilisée pour réaliser cette modification est relativement simple, mais tout de même assez spectaculaire : des selles fraîches, qui contiennent l’ensemble des bactéries intestinales, sont tout d’abord récoltées de donneurs en bonne santé et testées pour s’assurer de l’absence de microorganismes pathogènes. Elles sont par la suite suspendues dans une solution saline et administrées au malade à l’aide d’une sonde naso-gastrique (pour atteindre le petit intestin) et les bactéries peuvent par la suite s’implanter au niveau du côlon et prendre la place, au moins temporairement, du microbiome de la per- sonne malade. Ce type de transplantation fécale est déjà utilisé pour traiter les infections récurrentes à C. difficile et les résultats sont tout à fait remarquables, avec jusqu’à 90 % de guérison sans effets secondaires, ni récidives.(
AMÉLIORER LE MÉTABOLISME DU SUCRE
Un groupe de recherche néerlandais a récemment utilisé cette technique pour déterminer si la transplantation d’un microbiome provenant d’une personne en bonne santé pouvait améliorer le métabolisme de personnes obèses affectées par le syndrome métabolique (une condition caractérisée entre autres par une hyperglycémie, une hypertension et un excès de gras abdominal).
Ils ont recruté 38 hommes obèses (IMC = 35, tour de taille = 121 cm) et présentant des anomalies métaboliques (glycémie à jeun élevée) et les ont jumelés de façon aléatoire avec des personnes en bonne santé qui servaient de donneurs de selles. Six semaines après la transplantation, des échantillons sanguins et de selles ont été prévelés pour déterminer l’impact de la transplantation sur la glycémie et la composition du microbiome.
Les résultats sont intéressants : les scientifiques ont noté que 50 % des personnes obèses ayant reçu une transplantation fécale présentaient une diminution de la résistance à l’insuline (un important facteur de risque de diabète) et une modification parallèle de la composition de leur microbiome intestinal. Cette différence de réponse semble liée à l’état initial du microbiome des patients avant le début de la procédure, car une analyse plus poussée a montré la présence d’une flore intestinale moins diversifiée chez les non-répondants que chez ceux qui avaient répondu positivement au traitement.(
Globalement, ces résultats suggèrent donc que la transplantation fécale représente une stratégie valable pour améliorer le métabolisme des personnes obèses. Par contre, beaucoup de travail reste à faire, non seulement pour adapter cette approche aux personnes non répondantes, mais aussi parce que les améliorations notées dans l’étude étaient transitoires, avec un retour aux conditions de départ trois mois après la transplantation des selles.