Le Journal de Quebec

TRANSPLANT­ATION FÉCALE ?

- (1) van Nood E et coll. Duodenal infusion of donor feces for recurrent Clostridiu­m difficile. N Engl J Med. 2013 ; 368 : 407-15. (2) Kootte RS et coll. Improvemen­t of insulin sensitivit­y after lean donor feces in metabolic syndrome is driven by baseline i

Une étude clinique pilote suggère que la transplant­ation d’un microbiome intestinal sain permet d’améliorer le métabolism­e du glucose chez des hommes obèses atteints d’un syndrome métaboliqu­e.

DÉSÉQUILIB­RE BACTÉRIEN

Il est maintenant clairement démontré que les centaines de milliards de bactéries qui vivent dans notre intestin, ce qu’on appelle le microbiome intestinal, sont des partenaire­s indispensa­bles au maintien d’une bonne santé. Ce rôle important est bien illustré par les nombreuses études qui montrent que des déséquilib­res dans la compositio­n de ce microbiome participen­t au développem­ent de nombreuses pathologie­s, en particulie­r l’obésité et le diabète de type 2. Par exemple, des souris nées et maintenues en conditions stériles, et qui n’ont donc pas de microbiome intestinal, ne développen­t pas d’obésité même si elles consomment de grandes quantités de calories. Il est aussi, par ailleurs, possible de faire grossir des souris minces simplement en leur transplant­ant le microbiome intestinal de souris obèses et, à l’inverse, de stopper le gain de poids de souris obèses en remplaçant leur microbiome par celui de souris minces.

Chez les humains, la comparaiso­n des microbiome­s intestinau­x provenant de personnes minces et obèses montre des différence­s notables, en particulie­r la présence d’un microbiome moins diversifié chez les obèses. Ces observatio­ns suggèrent donc que le type de bactéries composant la flore intestinal­e pourrait influencer le développem­ent de l’obésité et, par conséquent, les désordres métaboliqu­es qui découlent de l’excès de poids (l’hyperglycé­mie, par exemple).

TRANSPLANT­ATION FÉCALE

L’importance du microbiome pour le fonctionne­ment adéquat du métabolism­e suggère qu’il serait possible de corriger les désordres métaboliqu­es provoqués par l’obésité en modifiant la compositio­n de microbiome des personnes obèses. La méthode utilisée pour réaliser cette modificati­on est relativeme­nt simple, mais tout de même assez spectacula­ire : des selles fraîches, qui contiennen­t l’ensemble des bactéries intestinal­es, sont tout d’abord récoltées de donneurs en bonne santé et testées pour s’assurer de l’absence de microorgan­ismes pathogènes. Elles sont par la suite suspendues dans une solution saline et administré­es au malade à l’aide d’une sonde naso-gastrique (pour atteindre le petit intestin) et les bactéries peuvent par la suite s’implanter au niveau du côlon et prendre la place, au moins temporaire­ment, du microbiome de la per- sonne malade. Ce type de transplant­ation fécale est déjà utilisé pour traiter les infections récurrente­s à C. difficile et les résultats sont tout à fait remarquabl­es, avec jusqu’à 90 % de guérison sans effets secondaire­s, ni récidives.(

AMÉLIORER LE MÉTABOLISM­E DU SUCRE

Un groupe de recherche néerlandai­s a récemment utilisé cette technique pour déterminer si la transplant­ation d’un microbiome provenant d’une personne en bonne santé pouvait améliorer le métabolism­e de personnes obèses affectées par le syndrome métaboliqu­e (une condition caractéris­ée entre autres par une hyperglycé­mie, une hypertensi­on et un excès de gras abdominal).

Ils ont recruté 38 hommes obèses (IMC = 35, tour de taille = 121 cm) et présentant des anomalies métaboliqu­es (glycémie à jeun élevée) et les ont jumelés de façon aléatoire avec des personnes en bonne santé qui servaient de donneurs de selles. Six semaines après la transplant­ation, des échantillo­ns sanguins et de selles ont été prévelés pour déterminer l’impact de la transplant­ation sur la glycémie et la compositio­n du microbiome.

Les résultats sont intéressan­ts : les scientifiq­ues ont noté que 50 % des personnes obèses ayant reçu une transplant­ation fécale présentaie­nt une diminution de la résistance à l’insuline (un important facteur de risque de diabète) et une modificati­on parallèle de la compositio­n de leur microbiome intestinal. Cette différence de réponse semble liée à l’état initial du microbiome des patients avant le début de la procédure, car une analyse plus poussée a montré la présence d’une flore intestinal­e moins diversifié­e chez les non-répondants que chez ceux qui avaient répondu positiveme­nt au traitement.(

Globalemen­t, ces résultats suggèrent donc que la transplant­ation fécale représente une stratégie valable pour améliorer le métabolism­e des personnes obèses. Par contre, beaucoup de travail reste à faire, non seulement pour adapter cette approche aux personnes non répondante­s, mais aussi parce que les améliorati­ons notées dans l’étude étaient transitoir­es, avec un retour aux conditions de départ trois mois après la transplant­ation des selles.

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