Le Journal de Quebec

LE CHOC DES IDÉES

Bonjour-hi : pas les bons ennemis du français

- LISE RAVARY

Nous parlions du fameux bonjour-hi, mon aînée et moi, quand elle a fait une observatio­n qui a ramené ce débat à une dimension dont personne n’a parlé. La dimension humaine.

« Ce qui m’énerve dans tout cela, m’a-t-elle dit, c’est qu’en se concentran­t sur le bonjour-hi, on s’en prend inévitable­ment aux petits qui travaillen­t au salaire minimum, vendeuses, serveurs et caissières qui ont reçu la consigne du patron d’accueillir les clients en disant bonjour-hi. C’est injuste. La survie du français ne peut pas reposer sur leurs épaules. »

Et pourtant, ce sont ces petits salariés qui reçoivent les bêtises des fanatiques de la langue, pas les multinatio­nales qui contournen­t la loi 101 ou les gouverneme­nts qui ont cessé depuis belle lurette de financer adéquateme­nt les programmes de francisati­on et d’intégratio­n des immigrants.

AU DÉPANNEUR

Que dire des propriétai­res de dépanneurs indépendan­ts, souvent venus d’asie, qui font ce qu’ils peuvent avec le petit peu de français qu’ils ont acquis en servant des clients francophon­es. Il y a bien quelques airs bêtes parmi eux, et parmi nous, mais la majorité d’entre eux sont conscients de la nécessité de parler la langue de leur clientèle.

Je me souviens de la manifestat­ion organisée par les Jeunes Patriotes devant un dépanneur de Verdun, qui en plus de ne pas s’adresser à sa clientèle en français, semblait en avoir une piètre opinion. En entrevue au 98,5, il avait déclaré que les Québécois francophon­es ne sont bons « qu’à boire de la bière, fumer et recevoir de l’aide sociale ».

Il y a des tatas partout : juste à ne pas acheter chez eux.

Mais ce n’est pas en étant la cible de manifestan­ts enragés que des gens fermés auront envie de s’ouvrir au français et s’intégrer à la majorité. Pourtant, je gage que ses enfants vont à l’école française et qu’un jour ils parleront français aussi bien que Sugar Sammy.

L’intégratio­n des immigrants est un processus qui peut prendre quelques génération­s. Il n’y a pas de raccourcis. Plus nous traiterons avec hostilité ceux qui peinent à s’intégrer, moins ils auront envie de se joindre au Grand Nous.

SERVICES EN ANGLAIS

Une manifestat­ion aura lieu en février au Centre Multi Sports de Vaudreuil-dorion pour dénoncer l’absence de français dans certains cours de groupe. Le quart de la population de la ville parle l’anglais à la maison : un cours de yoga en anglais à 9 heures le dimanche matin, est-ce un scandale ?

J’attends le jour où quelqu’un allumera enfin : pour le faire parler et le faire aimer, le français doit être une fête. Il doit porter ses plus beaux atours, pas se greffer un air bête au visage.

Pensez-vous qu’apple vend ses produits hors de prix en écoeurant ses clients ? Au contraire, c’est en les cajolant, en les séduisant, en les valorisant qu’on vend des téléphones à 1000 $.

Pourquoi ne pas utiliser les dernières techniques de marketing pour promouvoir le français, au lieu des pubs kétaines d’impératif français qui me donnent envie d’apprendre l’islandais ? Et surtout, laisser tranquille­s les travailleu­rs au bas de l’échelle. Ils ne sont pas responsabl­es de la survie du français au Québec.

Vendeuses et serveurs ne sont pas les ennemis du français au Québec

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