Le Journal de Quebec

Catalogne : cul-de-sac ?

Les Catalans voteront aujourd’hui.

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Les élections visent officielle­ment à élire un parlement duquel devra émerger un gouverneme­nt. Mais la campagne, comme on pouvait s’y attendre, s’est avérée un prolongeme­nt de la campagne référendai­re de l’automne.

« Surréalist­e » n’est pas un mot assez fort pour qualifier cette campagne. « Ubuesque » ?

JAMAIS VU

Les chefs des deux principaux partis souveraini­stes sont, l’un, M. Junqueras, en prison, et l’autre, M. Puigdemont, réfugié en Belgique, sachant qu’il serait arrêté s’il s’avisait de poser un orteil en territoire espagnol.

Imaginez une campagne électorale québécoise où M. Lisée serait en France, s’adressant aux siens via les médias électroniq­ues, et M. Nadeau-dubois, lui, serait en taule, verrait ses discours être lus par d’autres et serait symbolisé par une chaise vide lors des assemblées publiques.

Le chef du gouverneme­nt central, Mariano Rajoy, laisse entendre qu’il lèverait la tutelle des institutio­ns catalanes si les élections produisent le vainqueur qu’il souhaite, mais que rien ne serait garanti si les souveraini­stes étaient reportés au pouvoir. La « démocratie » espagnole en est là. L’union européenne, elle, fait la morale à la Pologne et à la Hongrie, mais détourne le regard de l’espagne.

Rien ne va plus dans la famille souveraini­ste. Du fond de son cachot, M. Junqueras dit à M. Puigdemont que lui ne s’est pas enfui à l’étranger dès que cela s’est mis à chauffer.

M. Puigdemont répond qu’il peut mieux poursuivre le combat de l’étranger que d’une cellule.

Fait cocasse, les férus d’histoire noteront que c’est le même reproche que l’on fit jadis à Louis-joseph Papineau : s’être enfui dès que sa tête fut mise à prix.

Déjà confuse cet automne, la feuille de route des souveraini­stes l’est encore plus maintenant : on

Rien ne va plus dans la famille souveraini­ste.

écarte désormais la rupture unilatéral­e, mais on parle de manière sibylline de « construire la république catalane ».

Les sondages ne permettent guère de prédire un vainqueur. On risque fort d’avoir un parlement sans parti majoritair­e, et donc de pénibles tractation­s pour constituer une coalition gouverneme­ntale inévitable­ment fragile.

Et celui qui gouvernera aura, dès le départ, la quasi-moitié de la population catalane contre lui.

LEÇONS

La Catalogne n’est pas le Québec, mais il y a assez de ressemblan­ces pour que ce qui se passe là-bas soit plein d’enseigneme­nts pour les souveraini­stes d’ici.

Certains reprochent au PQ et à M. Lisée le report du référendum et leur supposée tiédeur souveraini­ste.

Ils refusent de voir les effets inévitable­ment démobilisa­nts de deux défaites référendai­res auprès d’un électorat qui n’a pas leur ardeur militante.

Le cas catalan montre qu’il ne faut pas confondre déterminat­ion et précipitat­ion, qu’il ne faut compter que sur soi-même, et qu’il ne faut jamais sous-estimer la brutalité d’un État central prêt à tout ou presque pour ne pas se laisser démembrer.

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Oriol Junqueras et Carles Puigdemont
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