Le Journal de Quebec

LA DÉTRESSE DES MUSICIENS

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« Je suis cassé de l’intérieur. La dépression qui me ronge doucement m’a finalement englouti tout entier. Je ne peux plus la vaincre. »

Ce verdict, triste et sans appel, c’est celui de Kim Jong-hyun. Méga-star de la K-pop au sein de la formation Shinee, le chanteur coréen de 27 ans s’est enlevé la vie, lundi.

Il a commis l’irréparabl­e après avoir écrit ce dernier message sans équivoque, qu’il a fait publier par l’entremise d’une amie sur son compte Instagram.

Sa mort a bouleversé ses millions de fans et, pour vous donner une idée de l’ampleur du drame, d’autres vedettes de la K-pop, un mouvement musical ultra populaire en Asie, ont annulé des concerts pour vivre leur deuil. C’est gigantesqu­e. Du niveau du décès de Johnny Hallyday pour les Français.

LA K-POP SOUS EXAMEN

On ne sait pas encore, et peut-être ne saura-t-on jamais, ce qui a plongé Kim Jong-hyun dans une si profonde dépres- sion qu’elle lui est apparue sans issue.

Plusieurs ont rapidement fait le lien avec les conditions de travail militaires et hyper contraigna­ntes auxquelles sont soumises les idoles de la K-pop.

Interdicti­on de tomber en amour, entraîneme­nts intensifs, données personnell­es épiées jusque dans leur téléphone : les agences qui embauchent ces jeunes artistes pour en faire des stars les dépossèden­t presque de leur identité afin qu’elles projettent une image parfaite à des millions d’admirateur­s.

RÉPANDUE CHEZ LES MUSICIENS

En quelque sorte, pour accéder à la gloire, ces artistes sont privés de liberté.

Est-ce que cette prison dorée a eu raison de Jong-hyun ? Ou la dépression couvait-elle depuis plus longtemps ?

Chose certaine, son suicide, comme celui de Chester Benington il y a quelques mois, rappelle que la maladie mentale est plus répandue qu’on peut l’imaginer dans l’industrie de la musique.

Une vaste étude réalisée par l’université de Westminste­r et l’organisme Music- Tank, auprès de 2211 musiciens, en 2016, a révélé que 68,5 % d’entre eux avaient souffert de dépression. Dans la foulée, un service d’aide 24/7, Music Minds Matter, a été créé au Royaume-uni.

ENCORE TABOU

Les artistes québécois n’y échappent pas. Coeur de pirate a détaillé publiqueme­nt ses troubles d’anxiété. Idem pour Stefie Shock. Florence K, qui a révélé avoir tenté à quelques reprises de se suicider, m’a récemment confié qu’il existe un organisme pancanadie­n qui offre de l’aide psychologi­que aux musiciens, Unison, mais qu’il n’est « malheureus­ement pas assez connu au Québec ».

La santé mentale demeure un tabou dans le milieu, selon Luc Fortin, de la Guilde des musiciens et des musicienne­s du Québec. « Les gens ne veulent pas en parler », m’a dit Fortin, dont le frère musicien s’est suicidé à l’âge de 35 ans.

S’il est une chose qu’on peut donc souhaiter après la mort absurde de Kim Jong-hyun, c’est qu’elle incite des artistes en détresse à demander de l’aide.

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