Le Journal de Quebec

Un cadeau de Noël qui ne coûte rien

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

Au Centre d’art DianeDufre­sne de Repentigny, Pierre Dury, comme le chante Charles Aznavour, nous « parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». Dans ces années-là, Dury criait famine – il crie toujours famine ! – et Marjo posait nue. Ce qu’elle ne fait plus !

Rares sont les Québécois qui connaissen­t le photograph­e Pierre Dury, même si tous ont pu, un jour ou l’autre, voir l’une de ses photos sans y associer son nom. Discret malgré sa taille imposante, modeste malgré sa voix de stentor et ses rires explosifs, ce photograph­e de Rosemont, le visage toujours à demi caché par un appareil photo, a passé toute sa carrière à révéler nos vedettes.

En plus de les révéler sous un jour inattendu, Les années libres – c’est le titre de l’exposition qui se terminera le 14 janvier – nous replongent à une époque que la rectitude écrasante de la nôtre fait paraître quasiment irréelle. Comment ne pas exulter devant l’extravagan­ce de Diane Dufresne, l’outrance de Paul Buissonnea­u, l’exhibition­nisme si plaisant de Marjo ou la folie de Plume et de Robert Charlebois ? L’expo, qui est gratuite, est tout un cadeau. Sans parler du centre culturel même, qui est un vrai joyau.

Le talent de (Pierre) Dury en fait beaucoup plus qu’un photograph­e. Il est le peintre de toute une époque.

LE TEMPS DE LA DÉRAISON

Chacun des visages que Dury a figés sur pellicule rappelle à sa façon la déraison du temps de l’osstidcho, le fol espoir qu’a fait naître l’élection du Parti québécois, le désenchant­ement qui a suivi le premier référendum, les passions que celui de 1995 a déclenchée­s, puis le tournant du deuxième millénaire qui a sonné la fin de la récréation. Aujourd’hui, même les personnali­tés les plus extravagan­tes sont en comparaiso­n sages, sages, sages.

Après avoir contemplé les photos de ces grands Québécois dont plusieurs sont disparus, après avoir ravalé un « motton » devant la photo de plusieurs autres que j’ai connus et aimés, je me suis assis avec ma femme pour regarder la projection de dizaines de photos prises sur le vif, la plupart à des spectacles ou lors du tournage d’un film. Nous nous sommes amusés à iden- tifier les vedettes qui avaient 30 ans ou moins au moment où la lentille de Dury les a surprises.

D’autres personnes aussi curieuses que nous se sont prêtées au jeu. Avec leur aide ou la nôtre, nous avons reconnu presque toutes ces personnali­tés, nous rappelant qui une émission de télé, qui un film ou un festival.

LE PEINTRE D’UNE ÉPOQUE

Pierre Dury est d’abord un photograph­e de plateau. C’est celui que chargent les producteur­s d’assister au tournage d’un film ou à la répétition d’un spectacle afin de constituer une banque d’images dans lesquelles on puise pour la publicité et la promotion. Le talent de Dury en fait beaucoup plus qu’un photograph­e. Il est le peintre de toute une époque. Les milliers de photos qu’il a prises – dont celles qu’on peut admirer à Repentigny – en disent plus long sur ces années que ne pourrait le faire un livre d’histoire.

Sur l’un des murs de l’exposition, Pierre Dury, ancien élève de l’école des Beaux-arts, écrit avoir rêvé d’être peintre. C’est une chance qu’il ne le soit pas devenu, car ses photos sont plus révélatric­es de ces années libres que toutes les toiles qu’il aurait pu peindre.

Il y a parfois des rêves qu’il vaut mieux pour nous qu’ils n’aient pas été réalisés !

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Joyeux Noël à tous, sauf à Kim Jongun !

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Le photograph­e Pierre Dury.
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