Le Journal de Quebec

Barrette ou l’échec des bâtons

- ANTOINE ROBITAILLE Chef du Bureau d’enquête au parlement de Québec @Ant_robitaille antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Pourrions-nous assister à la fin de la carrière politique de Gaétan Barrette en 2018 ?

Après tout, ce n’est pas une petite rebuffade qu’on a servie au ministre-bulldozer, jeudi.

Devant la menace de la Fédération des médecins spécialist­es (FMSQ) d’intenter des poursuites contre l’état, Philippe Couillard a carrément exclu son ministre de la Santé des négociatio­ns sur l’applicatio­n des lois 20 et 130.

Ces lois signifient en substance que si les médecins spécialist­es ne garantisse­nt pas des résultats au ministre et à la population, leur rémunérati­on pourrait être coupée de 30 % !

C’est la deuxième fois que M. Barrette se retrouve ainsi tassé du chemin lors de négociatio­ns.

PRIVILÈGE

Dans les milieux politiques, plusieurs voient cette autre exclusion non seulement comme une rebuffade à son endroit, mais comme un privilège supplément­aire octroyé aux médecins.

Combien d’autres acteurs du réseau de la santé et de la fonction publique – infirmière­s, avocats et notaires de l’état, etc. – auraient rêvé, dans leurs négociatio­ns, d’obtenir toute l’attention du premier ministre.

Encore une fois, les médecins ont droit à un traitement spécial… de la part des médecins qui nous gouvernent : Philippe Couillard et Roberto Iglesias.

BÂTONS CASSÉS

Cette fin d’année 2017 devait être un moment de vérité pour les réformes de Gaétan Barrette.

Elle se solde par son exclusion et par la quasi-éliminatio­n des « bâtons » qu’il avait mis dans ses lois afin d’inciter les médecins à améliorer l’accès au système.

Le 28 novembre 2014, lorsqu’il présenta ce qui allait devenir la loi 20, Gaétan Barrette n’avait pas eu peur de dresser un constat d’échec de Philippe Couillard et Yves Bolduc comme ministres.

Pour améliorer l’accès, avait noté avec force M. Barrette, « nous avons, dans les dernières années, tenté quoi ? On a tenté d’augmen- ter le nombre [de médecins], ça n’a pas marché ; on a tenté de négocier […] des augmentati­ons [de rémunérati­on] substantie­lles, ça n’a pas marché ; on a essayé des incitatifs, ça n’a pas marché. »

Après des années à donner des carottes – rémunérati­ons supplément­aires, primes – il était donc temps qu’on agite le bâton ? lui avais-je alors demandé. Sa réponse avait été sans équivoque : « Bien oui. [...] c’est un petit bâton de rien du tout, c’est un bâton incitatif. »

M. Barrette avait alors souligné qu’au moins, c’est un bâton que les fédération­s voient arriver dans trois ans. « Vous savez, un bâton, ça fait mal quand on ne le voit pas venir. »

Les fédération­s avaient jusqu’au 31 décembre 2017 pour atteindre des cibles fixées par le gouverneme­nt. Sinon, des pénalités seraient infligées.

« On est dans un mode de conséquenc­es. » Terminées, les carottes ? « L’argent, ça ne marche juste pas. Alors là, on est dans une autre ère de responsabi­lité sociale », tonnait M. Barrette. Trois ans plus tard, les deux fédération­s de médecins se seront débrouillé­es pour échapper aux pénalités inscrites dans la loi par Gaétan Barrette.

BONNE MÉTHODE ?

Peut-être que ce n’était pas la bonne méthode. Ou alors : peut-être que Gaétan Barrette n’était pas la bonne personne pour appliquer ce type de méthode. On le sait, il raffole des rapports de force dans lesquels il peut se montrer odieux. Que fera-t-il cette année ? Le bureau du premier ministre insiste : il n’a pas été exclu des négociatio­ns, il reste un conseiller important. N’empêche, ses « bâtons » ont été cassés ; il n’est pas certain que ses objectifs soient atteints. Récemment, il disait vouloir faire un deuxième mandat à la Santé pour compléter ses réformes. Et s’il n’est pas certain de rester ministre, sera-t-il tenté de quitter la politique ? Accepterai­t-il d’être critique de l’opposition, rôle dans lequel il serait sans doute terrifiant ? Ce sera à suivre en 2018.

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Encore une fois, les médecins ont droit à un traitement spécial… de la part des médecins qui nous gouvernent.

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