Des années à rattraper
La stratégie numérique de la province est un « pas dans la bonne direction », mais le défi est immense
La stratégie numérique du gouvernement du Québec dévoilée à la mi-décembre permet d’espérer que la province se joigne un jour aux leaders mondiaux en la matière. Mais la tâche pour s’y rendre sera titanesque, prévient un expert.
« Il faut reconnaître qu’on partait de loin. On partait de zéro, en fait. C’est la première stratégie numérique. Les bons mots sont là, on parle de projet de société, on parle de la profondeur de la révolution numérique […], je peux juste espérer que ce soit vrai », analyse le président de l’institut de gouvernance numérique, Jean-françois Gauthier.
La stratégie présentée par le gouvernement du Québec prévoit notamment que 100 % des citoyens auront accès à l’internet haut débit. Le document recommande aussi une plus forte présence du numérique dans l’administration publique, le réseau de la santé et les entreprises québécoises.
20 ANS DE RETARD
Le problème, c’est qu’au moins une vingtaine de pays au monde ont déjà pris ce virage, et que certains en sont déjà à la deuxième, et même à la troisième itération de leur plan, mentionne M. Gauthier. Le Québec a « facilement » 20 ans de retard à rattraper, croit-il.
« Je ne dis pas que c’est impossible de les rattraper, mais c’est clair qu’on a beaucoup de travail à faire », soupire celui qui, en 2012, réclamait déjà des actions du gouvernement avec 12 autres « étonnés ».
Si elle n’y parvient pas, la nation québécoise risque de devenir une « colonisée du numérique », prévient-il. « Ça veut dire qu’on va être des utilisateurs des services qui vont avoir été développés ailleurs […]. Si on s’était enlevé les doigts du nez il y a 15 ans, peut-être qu’on aurait un Amazon ou un Airbnb québécois », lance-t-il.
PRENDRE LE CONTRÔLE DE L’INFO
L’expert soutient que le Québec a encore beaucoup à faire pour éduquer la population au nouvel environnement numérique et pour réaliser, au premier chef, à quel point les données sont le nerf de la guerre dans la nouvelle économie.
« Les états et les villes qui apprennent à gérer l’information pour le bien commun sont en mesure de se donner les moyens de créer de la richesse », clame-t-il. Ce qui implique, selon lui, plus de transparence du gouvernement et plus de participation des citoyens dans les prises de décisions.
Loin d’être pessimiste, Jean-françois Gauthier propose aux Québécois de miser sur leurs forces, qu’il identifie comme la solidarité et l’économie sociale, pour rejoindre le bateau numérique.
« On a au Québec parmi les plus grandes coopératives au monde […]. Ça pourrait nous propulser parmi les meilleurs au monde », conclut-il.