Le Journal de Quebec

Jésus était un enfant adopté

- LISE RAVARY Blogueuse au Journal lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

Petite, le soir dans le noir, j’imaginais que le petit Jésus était, comme moi, un enfant adopté. Fécondé par un inconnu, un pur esprit, et adopté par Joseph. Cela me faisait du bien.

Vous ne pouvez pas vous imaginer les scénarios que s’inventent les enfants adoptés pour se faire une place dans l’univers. Même quand ils sont accueillis par une famille aimante.

Qui dit adoption dit abandon, c’est inévitable. Ne pas savoir d’où l’on vient crée un trou affectif impossible à remplir, mais connaître ses origines apaise, dit-on.

Je vais bientôt découvrir si c’est vrai.

ENFIN !

Je ne sais s’il faut remercier le Ciel, mais le Québec a enfin vu la lumière : une loi votée le 16 juin dernier après des années d’hésitation­s et d’amères déceptions pour des milliers de Québécois adoptés leur permettra enfin de connaître leurs origines. Même si les parents sont décédés.

Pensez-y : il y a un demi-siècle, donner naissance hors des liens du mariage était un des gestes les plus honteux qui soient. Il était tout aussi honteux d’être un enfant adopté, un bâtard. On arrachait presque les bébés des mains des filles-mères pour les donner en adoption, derrière un mur du secret bétonné.

Le 16 juin prochain, un an jour pour jour après l’entrée en vigueur la loi 113 sur la communicat­ion d’informatio­ns reliées à l’adoption, je pourrai enfin connaître mes nom et prénom à la naissance. Pas le faux nom que les religieuse­s des orphelinat­s donnaient aux petits anges dont elles avaient la charge, pour brouiller les pistes. Mon appellatio­n d’origine, quoi. Mieux encore, à partir du 16 juin 2019, le grand livre de la vie s’ouvrira enfin pour les adoptés qui pourront connaître le nom de leurs géniteurs et obtenir les informatio­ns disponible­s pour les retracer. À condition que ces derniers n’aient pas signifié à l’état leur refus d’être identifiés. C’est le petit bout conservé de la grande noirceur d’autrefois.

On me dira radicale, mais je crois que le droit aux origines est plus important que le droit au secret.

GESTE D’AMOUR

Les parents qui accueillen­t dans leur famille un enfant qui n’est pas le fruit de leur union ont une place spéciale au paradis, si paradis il y a. Parmi les grands gestes d’amour et de don de soi, peu sont aussi profonds que de faire sien l’enfant d’étrangers.

J’ai été adoptée à trois mois. Mes parents adoptifs ont tout fait pour moi. Je ne veux pas les remplacer. Je veux juste savoir qui je suis. D’où je viens. J’aimerais, une fois dans ma vie, me voir dans le visage de celle qui m’a mise au monde. Ou de celui qui a déposé la semence.

S’il n’y a plus qu’une photo en existence, cela suffira.

La loi 113, votée à l’unanimité, c’est mon plus beau cadeau en 2017.

Merci à la ministre Stéphanie Vallée d’avoir porté ce projet de loi à terme.

Joyeux Noël, chers lecteurs et lectrices ! Puissent vos rêves se réaliser.

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