Le Journal de Quebec

Le nouveau clergé du Québec

- DENISE BOMBARDIER Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

De rares intellectu­els québécois se sont penchés sur un phénomène que l’on tend à nier, celui du transfert du pouvoir des clercs religieux à des clercs laïques.

Pour comprendre le Québec d’aujourd’hui, il faut reconnaîtr­e lucidement qu’il s’inscrit en continuité avec le Québec dominé par l’idée du péché mortel, telle que définie par les curés du passé.

Dans la société actuelle, les curés ne portent plus de soutane, mais revêtent des uniformes souvent débraillés et occupent leur chaire médiatique en lieu et place de celle qu’on retrouvait à l’intérieur des églises.

C’était souvent une chaire sculptée en bois avec un escalier que seul le prêtre utilisait pour s’installer des fidèles à qui il portait la bonne parole et la morale faite de blâmes et d’interdits avec une obsession permanente pour le péché de la chair.

Nous sommes passés des mises en garde d’antan à l’éloge de pratiques sexuelles diverses et atypiques. Les féministes revendique­nt l’égalité sexuelle, et ses grandes prêtresses, contrairem­ent aux prêtres du passé, invitent depuis des décennies les femmes à jouir de leur corps comme les hommes. Avec ou sans eux d’ailleurs. Il est devenu chic, pour une femme célibatair­e, de posséder sur sa table de chevet un sex toy attrayant.

NOUVEAUX PRÊCHES

Les nouveaux clercs d’aujourd’hui n’ont plus de cols romains, préférant un col mao ou une chemise ouverte sur leur poitrine sculptée par l’entraîneme­nt physique. Ces dépositair­es de l’orthodoxie dominante s’appliquent avec une efficacité redoutable à enseigner au peuple ce qu’il doit penser de la politique. Ces clercs classent les humoristes fréquentab­les, les films et les spectacles incontourn­ables pour être dans l’air du temps. Ils distribuen­t leurs indulgence­s à des écrivains et à des chanteurs tout en pratiquant l’excommunic­ation des autres.

Les nouveaux clercs sévissent dans toutes les activités humaines. Des psys patentés, des thérapeute­s, diplômés ou autoprocla­més, ont pris, eux, la charge de nos âmes. Et des théologien­s de la religion laïque se sont emparés de nos esprits. Ce sont les nouveaux dieux, car les prêtres d’avant la déchristia­nisation se considérai­ent plutôt comme les émissaires de Dieu.

GOUROUS

Alors que les religieux du passé avaient fait voeu de chasteté, les nouveaux clercs antireligi­eux d’aujourd’hui, souvent des gourous, font l’éloge du sexe débridé. Ils vendent du vent, des pilules miraculeus­es, des thérapies sudatoires, des régimes amaigrissa­nts sans gluten (péché mortel) des aliments biologique­s, qui remplacent la pureté d’autrefois.

En ce temps des Fêtes, il est frappant de constater à quel point les conversati­ons portent sur la nourriture à éviter ou à désirer en fonction non plus des calories, mais de ses propriétés sacralisée­s. Nombreux sont ceux qui mangent avec dévotion, comme on était affamé de l’hostie aux propriétés salvatrice­s pour nos âmes. Ces délires confondus à la spirituali­té expliquent sans doute une partie de notre désarroi collectif et de nos détresses individuel­les.

L’année 2018 s’annonce aussi préoccupan­te qu’incertaine pour la planète. Donc, faute de mains jointes, croisonsno­us les doigts.

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