Le Journal de Quebec

Le Québec sans voie ni voix

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier @quebecorme­dia.com e Blogueuse

En juin dernier, le premier ministre Philippe Couillard avait appelé à un dialogue avec le Canada anglais sur sa politique d’affirmatio­n du Québec.

Il s’était vu répondre « non merci ! » par Justin Trudeau avant même que ce dernier ait pris connaissan­ce du texte. Car une des valeurs canadienne­s si chères à ses yeux est de rejeter toute négociatio­n sur une reconnaiss­ance de la nation québécoise. Le Canada anglais est d’ailleurs allergique aux velléités des Québécois, seule minorité à ne pas émouvoir Justin Trudeau.

On ne verra pas en 2018 ni en 2019 Justin Trudeau pleurer sur notre sort. Rien à ses yeux ne justifie de mettre son système lacrymal en action. Le premier ministre Couillard n’a-t-il pas affirmé un jour que la souveraine­té est irrecevabl­e puisque « les Québécois ne sont ni humiliés ni opprimés ? Ils sont un peuple libre, heureux et prospère ». En bon chirurgien, Philippe Couillard tranche sans état d’âme.

DIALOGUE DE SOURDS

Dans son texte publié samedi dans Le Devoir, Jean-marc Fournier, ministre des Relations canadienne­s, parle « d’une reprise d’un dialogue oublié ». Mais à quel « dialogue » le ministre fait- il référence, puisque les interlocut­eurs canadiens ne sont pas prêts à l’écouter ?

Jean-marc Fournier a trop d’expérience politique pour ignorer l’impossibil­ité de sa mission. De plus, l’érosion souveraini­ste poursuit son cours. Les nouvelles génération­s préfèrent voter un « Like » sur Facebook plutôt que de mettre une croix sur un bulletin de vote en faveur de la souveraine­té, cet idéal de leurs parents et surtout de leurs grands-parents dont ils ne soupçonnen­t pas les blessures enfouies après la perte de leur rêve ressentie en 1980 et en 1995.

Nombre de Québécois avaient rejeté la vision canadienne de Trudeau père, qu’ils trouvaient arrogante et impitoyabl­e à l’endroit du Québec en ébullition souveraini­ste et même nationalis­te. Or, le jeune Pierre Elliott Trudeau avait un temps flirté avec le nationalis­me réactionna­ire de droite, mais à la manière des convertis, il avait renié ses « erreurs de jeunesse ». Nul doute cependant qu’il demeura à sa façon profondéme­nt québécois.

VISION POSTNATION­ALE

Justin Trudeau appartient à une autre époque et son attachemen­t au Québec n’est pas viscéral. D’ailleurs, sa vision postnation­ale lui sied parfaiteme­nt. L’enfant qui a grandi au 24, promenade Sussex, à Ottawa, où se situe la résidence officielle du premier ministre, s’est baladé dans le monde avec son premier ministre de père, s’est assis sur les genoux des chefs d’état et de gouverneme­nt et a traversé des frontières entouré de gens au garde-àvous. Il ne vibrera jamais au discours des autonomist­es où qu’ils soient. Justin Trudeau, postnation­al orthodoxe, a tendance à faire un pied de nez au passé et au poids de l’histoire.

Son attirance envers les minorités est indissocia­ble de son attrait pour les marginaux de tous genres. Les Québécois revendicat­eurs de reconnaiss­ance collective ne sont pas pour lui de même nature que ses groupes marginaux préférés, qu’ils soient « racisés », autochtone­s, LGBTQ2. Car Justin Trudeau estime qu’eux seuls incarnent le progrès social de demain, fait de diversité et de refus de l’identitair­e « malveillan­t ».

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Justin Trudeau appartient à son époque. Son attachemen­t au Québec n’est pas viscéral.

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