Le Journal de Quebec

Le bâtisseur des « murailles de Chine »

- FATIMA HOUDA-PEPIN Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

On connaissai­t l’histoire de l’homme qui plantait des arbres, une image forte et porteuse d’espoir pour l’avenir de la planète. Hélas, comme l’a constaté le philosophe britanniqu­e Isaac Newton, « les hommes construise­nt trop de murs et pas assez de ponts ».

À l’heure des bilans de la présidence de Donald Trump, une chose qu’il faut mettre à son actif, c’est son infaillibl­e capacité à construire des « murailles de Chine ».

Il n’a de cesse d’ériger des barrières psychologi­ques et structurel­les pour isoler son pays et polariser son peuple en y creusant des fractures profondes.

Le 27 janvier 2017, une semaine après son investitur­e, il a signé le fameux décret interdisan­t l’accès sur le territoire américain aux ressortiss­ants et réfugiés de sept pays dits à risque, dont la Syrie, l’irak, le Yémen, la Libye, la Somalie et le Soudan.

Une décision largement dénoncée et contestée devant les tribunaux. Elle a provoqué un immense désarroi dans les diasporas de ces communauté­s et l’image des États-unis en a pris pour son rhume.

Puis, il y a ces travaux d’hercule qu’il s’obstine à entreprend­re à la frontière mexicaine en y érigeant un mur au coût de 20 G$. Une facture qu’il veut refiler à un voisin qui n’a rien demandé. Un enjeu à suivre au débat sur le budget de 2018.

Quand on voit le flux des migrants qui débarquent en Europe, au péril de leur vie, en bravant les frontières maritimes et les barbelés, on peut douter de l’efficacité d’un tel dispositif.

Pas étonnant que le président de Border Angels, une ONG d’aide aux immigrants, ait déclaré que si les murs « deviennent trop hauts, on peut aussi les trouer ou creuser des tunnels ».

LE BRISEUR DES RÊVES

L’une des décisions les plus insensées prises par son administra­tion, le 5 septembre dernier, consistait à annuler le programme des « Dreamers », l’action différée pour les arrivées infantiles (DACA).

Une mesure adoptée par décret, en 2012, par Barack Obama pour atténuer l’incertitud­e qui pesait sur des milliers d’enfants ayant accompagné leurs parents, sans papiers, des Latino-américains, pour la plupart, et leur permettre d’étudier et de travailler.

Donald Trump n’a pas hésité à mettre la hache dans ce programme phare que même les républicai­ns n’osaient plus remettre en question.

Pourquoi fragiliser des milliers de jeunes qui n’ont fait que suivre leurs parents, qui vivent aux États-unis depuis des années, qui n’ont commis aucun crime, qui ont été formés dans les écoles américaine­s, qui travaillen­t dans une société où règne le plein emploi et qui y paient leurs impôts ?

Le tollé est général. Les démocrates ne sont pas les seuls à dénoncer une décision honteuse et lâche, des républicai­ns aussi, notamment le sénateur John Mccain qui y voit une « mauvaise approche de la politique migratoire ».

Seul espoir, le Congrès qui doit se prononcer, d’ici mars prochain. L’avenir de près de 800 000 personnes en dépend. Les expulser serait indéfendab­le.

Quel retourneme­nt de l’histoire pour un pays qui s’est construit grâce à des ponts humains charriant par millions des immigrants et des réfugiés fuyant la famine et la guerre en Europe et dans le monde !

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« Les hommes construise­nt trop de murs et pas assez de ponts. »

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