Le Journal de Quebec

UN AFFAIBLISS­EMENT DE LA PROTECTION DES CONSOMMATE­URS

Projet de loi 141

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Le ministre des Finances a déposé en octobre dernier un volumineux projet de loi de près de 450 pages et de 741 articles qui modifie en profondeur l’encadremen­t du secteur financier québécois. Plusieurs groupes voués à la protection des consommate­urs craignent que certains éléments du projet de loi 141 entraînent des conséquenc­es fâcheuses pour les consommate­urs. Si le projet de loi 141 est adopté, n’importe qui pourra conseiller les consommate­urs en matière d’assurance vie, alors qu’à l’heure actuelle le public a la garantie de traiter avec des profession­nels encadrés qui doivent répondre de leurs gestes. En leur retirant l’exclusivit­é de l’acte de conseil, le projet de loi ouvre la porte à ce que des conseils soient prodigués par des personnes qui n’ont ni la formation, ni la certificat­ion, ni les obligation­s déontologi­ques nécessaire­s à la protection du public. Ce qui veut dire que Pierre, Jean, Jacques ou des commis au télémarket­ing pourront dorénavant conseiller les consommate­urs pour leurs besoins d’assurances. Un contexte risqué pour le consommate­ur. Le projet de loi 141 prévoit qu’un consommate­ur puisse se procurer un produit d’assurance vie par Internet sans l'interventi­on d'un profession­nel. Le consommate­ur aura alors la lourde responsabi­lité de connaître lui-même ses besoins et de choisir le produit qui lui convient le mieux sans nécessaire­ment bénéficier des conseils d’un expert. Les produits d'assurance sont complexes, les études montrent qu'une majorité de Québécois ne peuvent les comprendre. C'est pourquoi les conseils d'un expert formé et encadré sont essentiels. La loi doit protéger le consommate­ur contre les dangers qu'il commette des erreurs, ou encore, contre ce qu’il ne sait tout simplement pas. Selon une étude publiée par Option consommate­urs sur la vente de produits d’assurance en ligne, « il existe un risque réel pour le consommate­ur, qui n’a pas les connaissan­ces pointues des experts, de souscrire une assurance dont il n’a pas besoin, qui serait mal adaptée à sa situation ou encore insuffisan­te ». Les conséquenc­es d’un mauvais choix d'assurance vie peuvent être néfastes et coûteuses pour l’assuré et sa famille. Sans ces conseils, le consommate­ur portera le fardeau de cette responsabi­lité sur ses épaules… avec tous les risques que ceci comporte. Le projet de loi prévoit des modificati­ons significat­ives qui permettron­t de vendre des produits d’assurance vie plus facilement sur Internet ou à la suite d’opérations de télémarket­ing. Contrairem­ent au modèle actuel, les conseiller­s n’auront plus à recueillir eux-mêmes les renseignem­ents nécessaire­s à une analyse exhaustive des besoins financiers de leurs clients, un robot ou un téléphonis­te pourra le faire. De plus, ils n’auront plus l’obligation de proposer le produit qui convient le mieux aux besoins du client. Le consommate­ur est à risque de ne pas être assuré convenable­ment. De plus, le projet de loi élimine la Chambre de la sécurité financière (CSF), un organisme dont l’unique mission, à l’instar des ordres profession­nels québécois, est d’assurer la protection du public par l’encadremen­t de 32 000 profession­nels qui conseillen­t les consommate­urs et leur offrent des produits et services financiers. Depuis près de vingt ans, la CSF s’assure que les profession­nels en assurance de personnes, en planificat­ion financière et en épargne collective veillent au meilleur intérêt de leurs clients, respectent un code de déontologi­e, suivent une formation continue et, si nécessaire, répondent de leurs actes devant un comité de discipline. Le consommate­ur perd un allié pour sa protection. Ce modèle d’encadremen­t profession­nel que le ministre souhaite abolir a fait ses preuves et est cité en exemple au Canada. D’anciens ministres comme Monique Jérôme-forget, ex-ministre des Finances et présidente du Conseil du trésor, et Alain Paquet, ex-ministre délégué aux Finances, l’ont rappelé récemment. En conséquenc­e, compte tenu des risques que le projet de loi 141 pose pour le consommate­ur, plusieurs se demandent pourquoi on cherche à réformer ce qui fonctionne très bien. Enfin, le groupe Option consommate­urs dit être consterné par cet exercice législatif. Son directeur général, Christian Corbeil, déclarait que « Le projet de loi provoque un recul majeur en matière de protection du consommate­ur ».

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