Le Journal de Quebec

Psychologi­e du millénial radicalisé

- mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote e Blogueur Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r MATHIEU BOCK-CÔTÉ

La semaine passée, une étrange nouvelle s’est mise à circuler sur les médias sociaux. Elle nous venait de Grande-bretagne.

Suite à l’intégratio­n sur Netflix de la série Friends, considérée comme un classique en son genre, le journal The Independen­t a interviewé des milléniaux, pour savoir ce qu’ils en pensaient.

Allaient-ils s’extasier devant cette série culte ? Allait-on plutôt découvrir à leur contact qu’elle avait mal vieilli ?

FRIENDS

Il fallait s’y attendre : ils n’ont pas aimé. Ils ont un malaise devant sa représenta­tion des rapports hommefemme. La série serait homophobe et transphobe.

Elle serait même un peu raciste dans la mesure où elle ne ferait pas assez de place aux « non-blancs ».

Pire : elle serait grossophob­e. Grossoquoi ? Grossophob­e. C’est la nouvelle catégorie créée par la sociologie militante pour victimiser systématiq­uement les personnes en surpoids.

On dirait que chaque année, on invente de nouvelles phobies.

Je ne suis pas Américain. Mes séries de référence sont québécoise­s. J’ai passé une partie du temps des Fêtes à revoir Scoop et les trois premières saisons de Lance et compte.

En gros, je me suis plongé dans le Québec d’il y a 25-30 ans.

Et autant je m’émerveilla­is devant ces séries, autant je m’esclaffais en pensant à la réaction des jeunes âmes effarouché­es qui paniquerai­ent devant certaines scènes. Elles hurleraien­t au scandale.

Ce qui est fascinant avec la psychologi­e politique des millénaux, c’est qu’elle fonctionne à la purge et à la tentation purificatr­ice.

Ils ne tolèrent tout simplement pas de voir le monde avec d’autres yeux que les leurs.

Je le dis sincèremen­t : la guerre des génération­s n’a rien de bon et les milléniaux ont leurs vertus.

Mais une certaine frange parmi eux (j’insiste, je parle d’une certaine frange) se laisse facilement gagner par une fièvre accusatric­e. Elle accuse notre civilisati­on de tous les crimes.

Caricaturo­ns un peu, et même beaucoup : l’idéal du millénial radicalisé c’est l’individu-absolu.

Il refuse qu’on lui dise s’il est un homme ou une femme. Il décidera. C’est pour cela qu’il s’enthousias­me pour toutes les causes qui brisent les catégories traditionn­elles, comme les fameuses toilettes mixtes pour trans.

Il déteste qu’on l’associe intimement à un pays : il se veut citoyen du monde et seulement lié aux appartenan­ces qu’il choisit. Facilement, il traite de racistes ceux qui disent le contraire.

INTOLÉRANC­E

Le millénial est paradoxal. Il ne cesse de prêcher la tolérance, mais se montre particuliè­rement intolérant envers ceux qui ne voient pas le monde comme lui.

C’est pour cela qu’il se donne souvent le droit, sur les campus universita­ires, d’interdire telle ou telle conférence qui heurte ses valeurs. Il justifie la censure si elle s’exerce au nom de la sensibilit­é des minorités auxquelles il donnerait le Bon Dieu sans confession.

Mais les défauts des milléniaux ne sont-ils pas ceux que nous leur avons transmis ?

Lorsqu’ils regardent Friends et s’étranglent d’indignatio­n, n’expriment-ils pas simplement tous un biais idéologiqu­e du politiquem­ent correct dans lequel ils ont été élevés ?

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Caricaturo­ns un peu, et même beaucoup : l’idéal du millénial radicalisé c’est souvent l’individu-absolu.

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