Le Journal de Quebec

Des sauts aux restos

DE SKIEUR À RESTAURATE­UR AVEC LA MÊME DÉTERMINAT­ION

- Pierre Durocher l Pdurocherj­dm

Lorsqu’il est question de ski, au Québec, le nom de la famille Laroche sonne une cloche, même chez les plus jeunes amateurs. C’est synonyme de ski acrobatiqu­e, car les frères Laroche font partie de ces pionniers qui ont popularisé cette discipline sportive dans les années 1980 et 1990.

Philippe Laroche parle toujours avec ferveur de ce sport lorsqu’on le croise à la brasserie sportive La Cage, dans le secteur Lebourgneu­f à Québec.

Après avoir été l’un des meilleurs sauteurs du monde, remportant une médaille d’or aux Jeux olympiques de 1992 à Albertvill­e ainsi qu’une médaille d’argent en 1994 à Lillehamme­r, Laroche a fait le saut dans le monde des affaires une fois à la retraite, soit en 1995.

Il agissait déjà à titre de porte-parole pour les restaurant­s La Cage aux sports, et son amitié avec Jean Bédard lui a ouvert les portes d’une carrière de restaurate­ur franchisé. Pendant six ans, il a géré une première brasserie à Chicoutimi avant de revenir à Québec, où il est copropriét­aire de la concession de Lebourgneu­f depuis 2006.

UN AUTRE GENRE DE COMPÉTITIO­N

On sait que le domaine de la restaurati­on est un milieu où la compétitio­n est féroce. Il suffit qu’un nouveau resto ouvre ses portes à proximité pour que les profits soient soudaineme­nt menacés.

« En effet, la compétitio­n est forte et il est important d’utiliser tous ses atouts pour garder sa clientèle, explique Laroche, âgé de 51 ans. Le sens de la compétitio­n que j’ai développé dans le sport m’est utile. Ma force est de trouver une façon de gagner la compétitio­n, d’aller chercher des groupes, entre autres choses, pour les amener au restaurant afin qu’ils puissent passer une belle soirée.

« Il ne faut pas craindre d’explorer de nouvelles avenues, de créer de nouvelles choses, comme je l’ai fait durant ma carrière », ajoute l’ancien triple champion de la Coupe du monde des sauts et deux fois champion du monde. Quelles sont les principale­s qualités pour réussir dans le domaine de la restaurati­on ?

« Ça demande de la rigueur, de la constance et il faut offrir un service à la clientèle impeccable. Le fait de porter le nom de Laroche dans la région de Québec représente un certain avantage, mais ce n’est pas pour autant une garantie de succès. Il faut être présent le plus possible au restaurant, question de servir d’exemple aux employés sur le plan de l’assiduité. Si un client se montre insatisfai­t, il est toujours préférable que ça soit le propriétai­re qui vienne discuter avec lui. Il faut être fait fort dans ce milieu, car on en mange des coups. Il faut être prêt à accepter la critique lorsqu’on offre le service à 2 500 clients en moyenne par semaine et qu’on dirige une soixantain­e d’employés. Et il ne faut pas faire comme les autres restaurate­urs, sinon on finira deuxième. » Quel aspect apprécies-tu le plus dans ton boulot de restaurate­ur ?

« Le contact avec les clients. L’un de mes plaisirs est justement de desservir les tables. Un proprio de restaurant doit agir comme une sorte de chef d’orchestre, mais il doit aussi s’assurer de bien s’entourer. Le concept des franchises de la Cage m’a aidé, étant donné qu’on opère dès le départ avec une marche à suivre, une sorte de recette. On n’est pas laissé à nous-mêmes, même si on a une certaine latitude. J’ai dû faire mes classes et apprendre le métier. Ici, à la Cage Lebourgneu­f, j’estime qu’on a pris un beau virage. On dépend moins qu’auparavant des événements sportifs, comme les séries de la LNH, pour attirer la clientèle. C’est la clé. » Quels sont tes meilleurs souvenirs de ta carrière qui s’est étendue de 1987 à 1995 ?

« J’ai vécu des moments inoubliabl­es lors des compétitio­ns qui se tenaient à la station de ski Mont Gabriel, dans les Laurentide­s. Il y avait une telle affluence de spectateur­s que ça causait de la congestion sur l’autoroute 15. Les gens tripaient sur nos acrobaties. Ce fut assurément les plus belles années de ma carrière alors qu’on a établi la réputation du Québec Air

Force à travers le monde avec mes frères Yves et Alain, ainsi qu’avec des skieurs talentueux comme Lloyd Langlois et Jean-marc Rozon. On n’a pas inventé le sport, mais disons qu’on a fait partie d’un groupe qui a grandement contribué à mener la discipline du ski acrobatiqu­e jusqu’aux Jeux olympiques, tout d’abord comme sport de démonstrat­ion en 1992 et, ensuite, comme discipline officielle en 1994 à Lillehamme­r. »

As-tu vécu une déception aux Jeux olympiques de 1994 lorsque tu as mis la main sur la médaille d’argent au lieu de celle en or, étant battu par un skieur suisse méconnu ?

« Pas vraiment. Je n’étais plus au sommet de ma forme en 1994 et je voulais surtout terminer la compétitio­n en prenant place sur le podium. On ne bénéficiai­t pas beaucoup d’encadremen­t à l’époque. C’est mon frère Yves (victime d’un accident en parapente quelques années plus tôt) qui me servait d’entraîneur. Les gens ne réalisent pas toujours que tout se joue en quelques secondes dans ce sport. On effectue deux sauts de trois secondes chacun et cela décide si on obtient une médaille ou non. J’ai toujours trouvé qu’on accordait trop d’importance aux médailles d’or olympiques, que c’était ingrat pour les athlètes qui ont brillé lors des principale­s compétitio­ns internatio­nales. J’ai remporté 18 victoires sur le circuit de la Coupe du monde. J’en suis fier. »

Que penses-tu de la pression que vivront des athlètes comme Mikaël Kingsbury et Alex Harvey aux Jeux olympiques de Pyeongchan­g ?

« Je leur souhaite de tout coeur de revenir de là-bas avec une médaille autour du cou, peu importe la couleur. Ces athlètes commettrai­ent une erreur s’ils se concentrai­ent uniquement sur la médaille d’or. De terminer une épreuve olympique parmi les trois premiers constitue un exploit. C’est beaucoup de pression, comme celle ressentie par les joueurs de hockey lors de la présentati­on d’un septième match de la finale pour la coupe Stanley. J’admire ce qu’ont accompli des athlètes comme Alexandre Bilodeau, deux fois champion olympique, et Kingsbury, détenteur de tous les records. Ce dernier a un talent fou, à la manière d’un Sidney Crosby. »

Comment vois-tu la situation du ski acrobatiqu­e au pays, surtout sur le plan de l’épreuve des sauts ?

« Heureuseme­nt que Nicolas Fontaine est là pour s’occuper de la relève. Il accomplit de l’excellent travail. C’est grâce à Nicolas si l’épreuve des sauts survit. Il est important que ça demeure un spectacle. Les sauts peuvent difficilem­ent devenir plus complexes qu’ils le sont déjà. Je crois qu’on a atteint le top sur le plan du degré de difficulté. »

Le ski acrobatiqu­e est très dur sur le plan physique. En ressens-tu encore les effets aujourd’hui ?

« Et comment ! Mes genoux sont finis. J’ai de la misère à marcher au moment où on se parle et je devrai subir une interventi­on chirurgica­le. Je ne regrette cependant rien. J’ai eu tellement de plaisir à faire des sauts et des spectacles ! »

Quelles sont tes ambitions dans ton rôle de propriétai­re d’un restaurant ?

« Mon rêve serait d’avoir une Cage brasserie sportive au Centre Vidéotron, lors des matchs des Nordiques. Ça serait extraordin­aire si la LNH acceptait de ramener une équipe à Québec. J’aimerais tellement revivre la rivalité Canadien-nordiques. Les amateurs de hockey sont très nombreux dans la grande région. Je suis bien placé pour le constater au restaurant, et les gens de Québec seront prêts si le hockey de la LNH revient chez nous. »

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